Abri de la Colombière à Neuville-sur-Ain

L’étude des vestiges du Paléolithique décrit une société complexe marquée par un savoir-faire technique élaboré, des pratiques spirituelles évoluées et une habileté artistique exceptionnelle. L'abri sous-roche de la Colombière est l'un des sites majeurs du département pour la connaissance des sociétés préhistoriques. Site naturel classé en raison de son gisement d'artefacts, elle a aussi livré une remarquable série de galets gravés.

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Une exploration du 19e siècle

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Galet gravé sur ses deux faces. On peut reconnaître un profil de rhinocéros superposé à un cheval.

L’abri sous-roche de la Colombière, à Neuville-sur-Ain, est un magnifique abri dominant la vallée, peu profond et long d’une cinquantaine de mètres. Il a été classé site naturel en 1936.

Le gisement archéologique est signalé pour la première fois en 1867. Le pharmacien de Poncin J. Pissot et le professeur de sciences L. Mayet entreprennent des fouilles en 1913. Le site livre un abondant outillage lithique associé à des restes de faune, mammifères et oiseaux.

La découverte majeure est celle d’une série de 9 galets et 2 os de mammouth gravés de figures animalières (et une figuration humaine) remontant au Paléolithique. On parle dès lors d'un véritable « atelier de graveurs ». Cette collection est conservée à U.F.R. des Sciences de la Terre à l’Université Lyon 1.

En 1948, une mission américaine dirigée par H.L. Movius reprend la fouille pour préciser la stratigraphie. Un nouveau galet gravé est mis au jour. Classé au titre des Monuments Historiques, il est conservé au musée de Brou à Bourg-en-Bresse.

Des datations au carbone 14 attribuent à la couche renfermant les galets un âge d'environ 16 000 ans, correspondant à la culture magdalénienne. Cette série est considérée comme une œuvre majeure de l’art mobilier du Paléolithique supérieur, célèbre dans le monde entier au sein de la communauté scientifique. Une nouvelle étude très complète a été publiée en 2010 par des chercheurs du Musée de l’Homme à Paris.


Un bestiaire gravé exceptionnel

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Galet gravé d'une figure de cheval (détail)

Les galets de le Colombière, abondamment gravés, constitue une collection remarquable de l’art mobilier paléolithique. Ils montrent une superposition de multiples gravures, en particulier de figures animales qui forment un véritable bestiaire : chevaux, rhinocéros, ours, félins, rennes, bovinés, caprinés, chamois, mammouths, un bœuf musqué et d’autres animaux indéterminés. Des signes (flèches) et des motifs en forme de rubans, géométriques ou abstraits, sont également identifiés.

Plusieurs significations ont été avancées pour interpréter ces gravures : objets associés à des rituels, représentations propitiatoires pour favoriser la chasse, carnets de croquis ou brouillons d'artistes… Il reste difficile de trancher sur le sens profond qui a poussé les hommes de la Préhistoire à représenter ces figures entremêlées...


Une très rare figuration humaine

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Omoplate de mammouth gravée d'une figure anthropomorphe (détail)

La pièce maitresse de l'ensemble est un os plat de mammouth gravé d'une figure anthropomorphe, d’autant plus importante qu’elle a été la première découverte d’une représentation humaine préhistorique. Au moment de sa découverte, cette silhouette a été rapprochée de l’Homme de Néanderthal, même s’il fut rapidement conclut que rien ne permettait d'en déduire l’apparence de nos ancêtres du Paléolithique supérieur.

Cette gravure a fait l'objet de très nombreuses interprétations, parfois originales. Ses découvreurs L. Mayet et J. Pissot y voyaient une figure féminine, d’autres observateurs y décelaient une scène érotique… tandis que d'autres plaident aujourd'hui pour la juxtaposition de la ligne dorsale d’un ours et d'un renne !


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Les mots pour comprendre

Outillage lithique : en archéologie préhistorique, désigne l'ensemble des objets en pierre (et notamment les silex taillés) transformés intentionnellement par l'homme.

Paléolithique : première et plus longue période de la Préhistoire durant laquelle la société humaine est composée exclusivement de chasseurs-cueilleurs. Le Paléolithique commence avec l’apparition de la première espèce du genre Homo, Homo habilis, il y a environ trois millions d'années. Cette période inclut l'apparition de notre espèce, Homo sapiens, il y a environ 200 000 ans, son expansion et le déclin des autres espèces. Elle s'achève vers 12 000 ans avant notre ère.

Carbone 14 : La datation par carbone 14, dite également datation par radiocarbone, est une méthode fondée sur la mesure de l'activité radiologique du carbone 14 contenu dans de la matière organique dont on souhaite connaître l'âge absolu, à savoir le temps écoulé depuis sa mort. Les résultats sont exprimés en âge "BP" : Before Present, soit avant 1950, date d'invention de la méthode par Willard Frank Libby. Elle a permis de dater de nombreux sites et événements préhistoriques plus précisément qu'auparavant.

Culture magdalénienne : (nom venant de l’Abri de la Madeleine en Dordogne). Culture de la fin du Paléolithique supérieur, entre -17 000 et -10 000 ans. L’outillage lithique, de pierre taillée très fines et diversifiées, est associé à une riche industrie osseuse et au développement de la gravure et de l’art rupestre (grottes ornées).

Bestiaire : groupe de représentations animalières (terme employé notamment pour les manuscrits illustrés du Moyen-Age).

Propitiatoire : qui a pour objet de rendre propice, de favoriser la réalisation d’un événement.

Anthropomorphe : qui ressemble ou s'apparente à la morphologie humaine ; se dit des animaux, objets ou phénomènes auxquels on atttribue des caractères humains.

A lire sur le sujet

Les œuvres d’art de l’abri magdalénien de la Colombière (Neuville-sur-Ain, Ain). Nouvelle étude d’une collection majeure de l’art paléolithique, Patrick Paillet et Elena Man-Estier, Revue Préhistoire du Sud-Ouest n° 18-2010-1, août 2010.

Pré Proto Gallo Méro. Histoire de l'Ain en archéo. Marie-Dominique Nivière (sous la direction de) Catalogue d'exposition du Musée de Brou, Bourg-en-Bresse, 1998

Ils vivaient il y a plus de 10 000 ans sur les bords de l'Ain, René Desbrosse, édition Fouilles préhsitoriques de l'Ain, Poncin, 1978

Fouilles de l'abri sous-roche préhistorique de la Colombière, Hallam L. Movius, 1949

Abri sous-roche préhistorique de La Colombière, près Poncin (Ain), Lucien Mayet et Jean Pissot, Annales de l'université de Lyon, 1915

 

La préhistoire dans l'Ain - au temps des chasseurs-cueilleurs, Patrimoine des Pays de l'Ain, 2017. 

Cet ouvrage constitue le n°16 de la collection thématique consacrée au département de l’Ain et intitulée Patrimoines des Pays de l’Ain.La préhistoire dans lain

Même si depuis plus d’une centaine de milliers d’années, la présence de l’homme est attestée sur notre territoire, les témoignages les plus tangibles remontent à il y a 15 000 ans environ. Ces groupes de chasseurs-cueilleurs ont laissé des traces dans de nombreuses grottes et abris sous roche, dont certaines revêtent un caractère exceptionnel comme les galets gravés de multiples représentations animalières de La Colombière et de La Croze, les sépultures des Hoteaux et de Sous Balme ou les éléments de parure, coquillages et dents perforés, de la Grotte des Romains.

Au travers de 108 pages illustrées, Gérald Béreiziat, enseignant et Docteur en Préhistoire, et Marc Cartonnet, préhistorien indépendant, nous emmènent à la rencontre de nos ancêtres et nous plongent dans leur vie quotidienne.

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