Chapelle des Jésuites à Bourg-en-Bresse

Jouxtant l'actuel lycée Lalande, l'austère façade en brique de la chapelle n'attire pas le regard. Elle est pourtant l'unique témoin à Bourg-en-Bresse de l'architecture religieuse du 17e siècle. Classée Monument Historique en 1983 et désaffectée, les Amis de la chapelle oeuvrent à sa restauration et y programment des manifestations culturelles.

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L'enseignement confié aux Jésuites

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Devise des Jésuites sur la porte d'entrée du collège

Un collège existe dans l'actuelle rue du lycée depuis 1572. Son bon fonctionnement est gêné non seulement par des moyens financiers très limités, mais aussi par des luttes d'influence entre catholiques et protestants. Pour le remettre sur la bonne voie, la ville fait appel en 1618 aux Jésuites dont les vertus pédagogiques sont alors reconnues. Dans des bâtiments vétustes, les pères installent cinq salles de classe au sol en terre battue et aux murs recouverts de chaux. Malgré leurs demandes répétées, ils n'obtiennent pas les fonds nécessaires pour entreprendre les travaux d’amélioration indispensables. Ils doivent attendre la fin du 17e siècle pour pouvoir acquérir 5000 m2 de terrain autour du collège grâce aux dons et legs des grandes familles burgiennes.

La reconstruction intervient à partir de 1751, financée à la fois par les Jésuites, la ville de Bourg et la province de Bresse. En 1756, le collège est terminé. La porte d'entrée surmontée de l'inscription « religioni et bonis artibus » ouvre sur la cour entourée de bâtiments à deux étages. A l'intérieur, est encore conservé un escalier monumental doté d'une rampe en fer forgé due au serrurier Croppet, originaire de Pont-de-Veyle.

Les Jésuites ayant été expulsés de France en 1763, le collège n’a pas à souffrir de la Révolution et continue son existence. Il devient collège royal  de 1803 à 1856, puis lycée impérial en 1857 et ne cesse de s'agrandir depuis : du « Petit Lycée » édifié par l'architecte Martin en 1854 aux bâtiments modernes des 20e et 21e siècles.

Le Lycée, qui porte le nom de l’astronome Jérôme Lalande depuis 1889, est le seul établissement civil de France titulaire de la médaille de la Résistance.


La chapelle : une architecture simple et fonctionnelle

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L'intérieur de la chapelle depuis la tribune des musiciens

Douze années sont nécessaires à l’édification de la chapelle dont la construction est confiée à Pierre Redon, architecte de renom à Bourg à cette époque. Les Jésuites lui fixent un programme précis et détaillé. Ils fournissent l'essentiel des matériaux à l'exception de la pierre qui provient des carrières proches de Drom et de Ramasse. La première pierre de l’édifice est posée en octobre 1669, le gros œuvre achevé en 1681 sous la direction de l'architecte rochelais Jean Trutot qui supervise les travaux. Le décor intérieur est l’œuvre de Pierre Delavaux, successeur de Pierre Redon qui a rompu son contrat pour incompatibilité d'humeur avec les Jésuites !

Avant même l'achèvement des travaux, les Pères accordent la fondation de quatre chapelles à de nobles familles de Bourg, autorisées à inscrire leurs armoiries à la clé de voûte et à se faire enterrer là dans leur caveau. Le 30 juillet 1682, la chapelle est bénite et placée sous le vocable de saint Joseph. Le lendemain, jour de la saint Ignace de Loyola, fondateur de l'ordre des Jésuites, la messe est dite pour la première fois et les « messieurs » du chapitre de l'église Notre-Dame viennent y officier.

L’austère façade en brique, inachevée sans doute faute de moyens suffisants, est animée par un majestueux portail en pierre, surmonté d'un fronton curviligne et encadré de pilastres cannelés, typiques du 17e siècle. Elle sera remaniée vers 1880 par le percement de fenêtres éclairant les salles de dessin aménagées dans les combles.

L'intérieur de la chapelle surprend par l'harmonie de ses proportions et sa clarté dispensée par ses hautes et larges baies favorisant la prédication et la lecture. De dimensions moyennes pour une chapelle jésuite du 17e siècle, elle adopte un plan simple, parfaitement rectangulaire, qui comprend une seule nef avec des chapelles non communicantes entre les contreforts, un transept non saillant et un chevet plat. De part et d'autre de l'autel, deux portes permettent d’accéder à la sacristie. Une tribune ouverte aux lignes courbes s’appuie au revers de la façade. Ce plan est très proche de celui de la chapelle du Puy-en-Velay bâtie en1604, première œuvre du père Étienne Martellange, célèbre architecte de la Compagnie de Jésus ; la seule différence réside dans les chapelles latérales qui communiquent entre elles.

La chapelle voûtée d’arêtes est couverte d’une toiture haute et pentue reposant sur une immense charpente, savant assemblage de pièces de chêne, œuvre du charpentier bourguignon Bouchot.


Décor et mobilier au service de la Contre-Réforme

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Restauration virtuelle du retable du transept sud, bois polychrome et dorure.

La sculpture monumentale souligne élégamment l'architecture. Une frise surmontée d'une corniche, court tout autour de l'édifice. De style dorique et d'une grande sobriété, elle est rythmée d’une suite de triglyphes et de métopes à médaillons ornés de décors floraux – lys, renoncules, chardons – alternant avec des portraits des plus grands saints jésuites. On reconnaît saint Stanislas Koska et saint Louis Gonzague, modèles vertueux pour une jeunesse pieuse et studieuse, d'un côté, et saint Ignace de Loyola et saint François-Xavier, les grands missionnaires de l'ordre, de l’autre. Au revers de la façade, la tribune à balustres, dite « des musiciens » dans les documents anciens, toute en courbes, contraste agréablement avec les lignes géométriques strictes de la chapelle.

Les trois retables, œuvres du sculpteur Pierre Duflot, originaire d'Abbeville (Nord), présentent des points communs : une verticalité bien marquée, les mêmes chapiteaux corinthiens, de beaux modillons feuillagés et des grappes de fruits semblables. Des sondages ont fait apparaître sous les repeints plus tardifs, les dorures et les colonnes peintes en faux marbre. Les grandes statues du chœur, d’une grande qualité de sculpture, représentent saint Augustin tenant à la main un cœur enflammé, et saint Philippe Néri, mystique et ami de saint Ignace de Loyola.

Une large table de communion courbe, en noyer, ferme le chœur. Elle est ornée d’épis de blé et de grappes de raisin, symboles eucharistiques du pain et du vin. Des graffitis de 1780 attestent de son ancienneté. On peut imaginer que chaque chapelle latérale possédait également une clôture de ce type, sans doute détruite à la Révolution.

La cuve de la chaire polygonale, en chêne, a perdu ses sculptures ornementales – sans doute la représentation des Évangélistes – à l'exception de saint Jean qui orne le dossier. La tradition veut que le jeune Jérôme Lalande, qui rêvait d'une carrière de prédicateur, ait prêché du haut de cette chaire.

Un ange porte-flambeau en bois doré et polychrome complète le décor sculpté. Le socle présente trois angelots-cariatides dont les corps naissent d’un enroulement de feuilles d’acanthe, portant des phylactères à notes de musique. En partie supérieure, un ange, les ailes déployées, est assis sur un globe.

Œuvres d'artistes locaux, les tableaux placés dans les retables, témoignent de la foi militante des Jésuites face à la montée du protestantisme, de leur volonté de convertir par la persuasion et d'instruire les collégiens par l'image ; ils sont aussi des témoins précieux de la vie artistique à Bourg au 17e siècle. Leur qualité d’exécution est diverse. Les plus remarquables, la Mort de saint Joseph et Saint Ignace en extase, sont attribués à Benoit Alhoste, l'un des peintres les plus en vue au 17e siècle à Bourg-en-Bresse, où il possède un atelier et forme des apprentis.

Une place privilégiée est réservée à la représentation de saint Joseph, patron titulaire de la chapelle. Son culte connaît une grande vogue à cette époque, sa vie chaste et pauvre étant un modèle pour les religieux de la Contre-Réforme, et sa mort entre Jésus et Marie, un exemple pour les chrétiens. Les saints jésuites tiennent aussi une place importante. Saint Ignace, le fondateur de la Compagnie de Jésus, intermédiaire privilégié entre les hommes et Dieu, figure sur deux tableaux : en extase, insistant sur la vertu de la communion rejetée par les protestants, d'une part ; présenté par Jésus à son père et incitant les croyants à le prier pour être entendus de Dieu, d'autre part. Saint François-Xavier guérissant les pestiférés, rappelle que la ville de Bourg est encore ravagée à cette époque par de terribles épidémies de peste. Quant aux Martyrs du Japon, ils valorisent l’activité de missionnaire des Jésuites dans le monde entier.

Voir "Mobilier de la chapelle des Jésuites"


Consulter d'autres ressources sur les Jésuites



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BP 50162
16, rue du Lycée
01004 Bourg-en-Bresse Cedex

Tél. 04 74 32 06 30

 

Plan et itinéraire

Les mots à comprendre

Religioni et bonis artibus : inscription classique des collèges jésuites depuis que le pape Grégoire XIII l’avait faite graver sur le fronton du collège de Rome en 1588. Elle peut se traduire par « à  la religion et aux bons arts » ou « à la religion et aux arts libéraux ».

Triglyphes et métopes : ornements caractéristiques des frises de l’ordre dorique présentant des cannelures verticales alternant avec des panneaux rectangulaires, le plus souvent décorés de reliefs.

Retable : construction verticale à décor sculpté ou peint placée à l’arrière de la table d’autel dans un édifice religieux.

Modillons : éléments sculptés soutenant une corniche.

Chaire : tribune haute dans laquelle le prêtre se tenait debout lors de ses sermons.

Cariatide : personnage soutenant un entablement.

Phylactère : banderole sur laquelle se déploient les paroles prononcées par un personnage.

Benoît Alhoste : peintre bressan né dans l’Ain en 1620 et mort à Bourg-en-Bresse en 1677. Il est l’auteur d’une Pietà, signée « Alhoste pinxit 1660 » dans l’église de Saint-Just et du tableau de La Visitation (1662), dans l’église Notre-Dame à Bourg-en-Bresse. On lui attribue aussi plus d’une douzaine d’autres œuvres dans l’Ain dans lesquelles on reconnaît ses qualités d’excellent coloriste, sa manière de peindre les visages et ses cieux nuageux déchirés par un rayon de lumière dans lequel volent souvent des anges.

Contre-Réforme : mouvement de renouveau de l’Eglise catholique romaine face à la Réforme protestante développé dans le courant du 16e siècle.