La Grande Vapeur à Oyonnax

La Grande Vapeur est un bâtiment emblématique de l'industrie du peigne à Oyonnax, construit en 1905 par Auguste Chanard. À l'époque, c'est une usine d'une nouvelle génération : elle est composée d'une soixantaine de cabines individuelles branchées sur un seul moteur grâce à la transmission de courroies. Elles sont louées par les ouvriers qui sont indépendants dans l'organisation de leur travail. L'usine fonctionne ainsi un demi-siècle avant l'invention de la presse à injecter. Cette usine préfigure la spécialisation de la région d'Oyonnax dans la plasturgie aujourd'hui surnommée la "plastics vallée".

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Une usine modèle

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L'usine modèle de la Grande vapeur conçue par Auguste Chanard

Une première usine est créée vers 1865 par la société du Moteur Industriel, qui loue des ateliers à des ouvriers travaillant la corne et leur vend l'énergie fournie par une machine à vapeur qui donne l'appellation de l'usine. En 1905, l'Union électrique, qui a construit quatre ans plus tôt une centrale électrique au Saut-Mortier sur l'Ain, construit une nouvelle usine sur le même principe.

Fin du 19e siècle, le passage de la production artisanale des peignes à la production industrielle est caractérisé, entre autres, par une spécialisation des ouvriers sur une seule des étapes de fabrication. Cela a entraîné la multiplication des ateliers familiaux pratiquant le travail à domicile.
Au début du 20e siècle, la société de l’Union Électrique a l’idée de regrouper en un même lieu de production, un certain nombre d’ouvriers indépendants, les « pièçards », en leur louant un lieu de travail et en leur vendant l’énergie motrice. La réalisation de cette « usine modèle » est confiée à Auguste Chanard (1878-1934), architecte à Saint-Claude qui réalise les dessins et plans en 1904.
A la corne avait succédé vers 1880 le celluloïd, facilement inflammable. Il incite l'architecte à utiliser le béton armé qui, outre sa résistance au feu, permet de disposer de réservoirs d'eau sur le toit.
Disposé en ailes de papillon sur deux niveau et un sous-sol, axés sur une tour centrale qui regroupe les services administratifs, ce bâtiment, dont chaque aile est divisée en petites cabines de travail, illustre une forme originale d’organisation de travail individuel regroupé en un même lieu. Sous le plafond, deux arbres entraînés par un moteur électrique activent les machines par des courroies. Chaque atelier est prévu pour trois postes de canneleur et deux postes de ponceur. Les différents aménagements innovants pour l’époque : réserves d’eau sur la toiture, sprinkler dans chaque cabine, chauffage central, répondent à la fois, au souci d’éviter la propagation des incendies fréquents lors du travail du celluloïd et à l’apport de conditions de travail améliorées pour l’ouvrier.

Vidéo Un édifice exceptionnel : la Grande vapeur


Une architecture brute de décoffrage

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Bassin en béton équipé de lavabos

En ce qui concerne l´architecture, ce bâtiment est un exemple rare en Rhône-Alpes, d’édifice industriel en béton armé brut de décoffrage. Disposé en ailes de papillons rythmées par 9 (façade principale) et 7 travées (façade arrière), sur deux niveaux axés sur une tour centrale. Dans un but de prévention une toiture terrasse fut aménagée en réserve d'eau reliée à chacune des cabines par un tuyau avec diffuseur. Le sigle de l'Union Électrique (en deux lettres entreliées métalliques) est apposé tout autour du bâtiment marquant la séparation des étages. La tour centrale illustre les nouvelles possibilités de l'architecture à plancher en béton armé. A la croisée des couloirs distributifs, au rez-de-chaussée et au premier étage, deux bassins en couronne équipés de lavabos servaient au lavage des peignes. Le béton est utilisé également pour les poutres et les colonnes ainsi que pour les encadrements des fenêtres de l'escalier, le remplissage est fait en revanche en maçonnerie traditionnelle armée de tirants de fer.


Patrimoine du 20e siècle

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L'entrée principale de l'usine

La Grande Vapeur est très active jusqu´en 1940, mais la guerre, puis l´apparition des presses à injecter (les Ets Billion installés à Oyonnax sont les plus importants constructeurs européens de presses à injecter) vont réduire la production des objets fait-main. En 1945, l´usine est nationalisée et devient propriété d'Électricité de France. Enfin, en 1967, E.D.F. vend l´usine de la Grande Vapeur laissée à l'abandon, à la ville d´Oyonnax. Celle-ci maintient encore la location de quelques 28 cabines jusque dans les années 1975 ; démontrant en cela l’adaptation continue de cette usine à de nouveaux enjeux industriels.
En 1987, l’intérieur de la Grande Vapeur est inscrite au titre des monuments historiques, et l’extérieur est classée en 1988. Des travaux de restauration des terrasses et des façades extérieures sont menés entre 1993 et 2005. Ce monument a reçu le label patrimoine du 20e siècle.
Le Musée du peigne et de la plasturgie d’Oyonnax, inauguré en 1977, retrace cette épopée industrielle à travers un fonds exceptionnel de plus de 16 000 objets liés à l’ornement de coiffure et à la plasturgie dans les domaines les plus divers.


La Plastics Vallée

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Tabouret Tam Tam en matière plastique créé en 1968 par le designer français Henry Massonnet fabriqué par la société Stamp à Nurieux-Volognat

Initialement renommée pour ses peignes en celluloïd, la région d’Oyonnax est actuellement connue comme un pôle d’activité majeur de la plasturgie en France et en Europe.
Le celluloïd est inventé en 1863 en Amérique. La région d’Oyonnax, qui fabriquait traditionnellement des peignes en buis, s’empare de l’invention pour se lancer avec succès dans les peignes en celluloïd. En 1899, une usine de production de celluloïd, l’Oyonnaxienne, est créée pour fournir la matière première nécessaire à l’activité. Dans les années 1920 et 1930, la production s’élargit à de nouveaux objets : jouets, lunettes, bijoux, ... Puis en 1936 l’utilisation de la presse à injecter permet d’augmenter la production de plastiques ainsi que leur qualité. Après la Seconde Guerre mondiale, l’importance des besoins et le développement des matières plastiques favorisent la multiplication des créations d’entreprises. Leurs compétences s’exercent dans tous les secteurs de la filière plastique (fourniture de matières premières et équipements, conception, fabrication de machines, réalisation de moules et outillages, transformation, parachèvement et décoration) et dans tous les domaines d’application de la plasturgie (pièces techniques pour l’automobile, l’électroménager, l’informatique, emballage, bouchage, jouet, mobilier de jardin, éléments pour le bâtiment, articles ménagers et sanitaires, lunetterie, accessoires de mode et ornements de coiffure). Le succès est tel qu’Oyonnax est surnommé la « Plastics Vallée ».