La vierge de l'arbre de Goethe entre au musée

Petite histoire d’une grande œuvre : une sculpture de Louis Legros rejoint les collections du musée grâce au don exceptionnel des descendants de Simon Pernod.

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Don de la vierge de Louis Legros par la famille Pernod

Le 17 octobre 2016, les enfants de la famille Pernod ont remis au musée une pièce exceptionnelle : il s’agit d’une petite sculpture bas-relief en bois représentant une vierge en prière. Celle-ci appartenait à leur père, Simon Pernod qui l’avait reçue en cadeau de son ami le peintre et sculpteur Louis Legros. L’histoire de cette œuvre la rend particulièrement singulière et en lien direct avec le musée de la Résistance et de la Déportation de l’Ain. En voici le récit.

Tout commence le 14 décembre 1943 à Nantua. À cette date, l’Ain connaît des heures sombres. Le département, comme le reste de la France, est occupé par les troupes nazies qui harcelées par la Résistance, alors en plein essor, se livrent à toutes sortes de représailles sur les populations.

En cette période de rationnement, Simon Pernod, jeune homme de 29 ans, est chargé du ravitaillement de la ville en fruits et légumes. Mais dans la froidure de ce matin d’hiver, sa vie bascule. À l’aube, 500 Allemands des forces de police et de la SS, arrivés en gare le matin même, arrêtent les Nantuatiens dans la rue et à leur domicile afin de rassembler 150 hommes en âge de travailler. Des élèves du collège Xavier Bichat font partie des prisonniers. Tous sont emmenés à la gare pour y être interrogés. Les plus vieux sont libérés. Les autres sont chargés dans trois wagons à bestiaux spécialement stationnés sur les rails. À 14 heures, le train quitte la gare en direction de Bourg-en-Bresse. Simon Pernod fait partie de ce convoi.

Après une courte halte à Bourg-en-Bresse, le train prend la direction du camp de transit de Compiègne. Quelques-uns parviennent alors à sauter du train. Simon, lui, est resté dans le wagon. Il prend alors comme les autres le chemin des camps de concentration. Pour lui, ce sera celui de Buchenwald où il arrive le 24 janvier 1944. Il y reçoit le matricule 42743.


Vierge de Louis Legros, bas-relief sculpté dans l'arbre de Goethe (jpg - 218 Ko)

Vierge de Louis Legros, bas-relief sculpté dans l'arbre de Goethe

Au milieu de la misère des camps où tout n’est que désespoir et renoncement, il rencontre Louis Legros, un dessinateur du Génie rural raflé à Morlaix le 26 décembre 1943. Tous deux se lient d’amitié et se soutiennent dans ce combat permanent pour la survie. Louis, artiste dans l’âme, parvient à réaliser des dessins à l’intérieur du camp. Le 24 août 1944, un bombardement américain détruit « l’arbre de Goethe ». Seul arbre du camp de concentration de Buchenwald, ce chêne aurait abrité les rêveries du romancier et poète romantique Johann Wolfgang von Goethe. Louis Legros récupère alors quelques fragments de l’arbre et y sculpte au couteau deux bas-reliefs représentant un christ et une vierge.

À la libération du camp en avril 1945, Louis et Simon regagnent leur foyer respectif mais restent en contact. Pour survivre à l’innommable chacun choisit une voie différente. Louis tente d’exorciser ces démons au travers de tableaux et de sculptures. Simon, lui, œuvre à la construction de la mémoire des déportés. En 1946, avec d’autres rescapés des camps, il décide de l’érection d’un monument sur les bords du lac de Nantua (lequel sera inauguré en 1949). Il préside également le Comité départemental des déportés. En 1971, il devient maire de la ville.

C’est à l’occasion d’une de leurs rencontres que Louis Legros offre à Simon Pernod cette petite vierge en prière (23 x 18,5 cm) qui la fait enchâsser dans un cadre en bois réalisé par l’ébéniste Jean Alex de Nantua. Son pendant, un christ, offert à une famille de Morlaix, figure dans l’exposition rétrospective consacrée en 2013 à Louis Legros au musée de Morlaix sous la houlette de son fils Marc.

Aujourd’hui, cette œuvre a rejoint les collections du musée de la Résistance et de la Déportation de l’Ain et a tout naturellement trouvé sa place au sein de la nouvelle exposition permanente.

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