Monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse

Le monastère royal de Brou est un chef d'œuvre du style gothique flamboyant par la qualité de son architecture et la beauté de son décor. Édifié par Marguerite d'Autriche à l'aube de la Renaissance, il s'impose au regard du visiteur par ses façades immaculées, sa remarquable toiture vernissée et l'ampleur de ses trois cloîtres. L’abbaye est classée au titre des monuments historiques.

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Vue aérienne de l'église et du monastère

A l’origine, une merveilleuse histoire d’amour

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Marguerite d'Autriche, détail du vitrail (chapelle de la princesse)

Fille de l’empereur Maximilien de Habsbourg et petite-fille du dernier grand-duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, Marguerite d’Autriche (1480-1530) est veuve à 24 ans de Philibert le Beau, duc de Savoie, qui meurt en 1504 après une partie de chasse. Dès 1506, elle décide de bâtir aux portes de la ville de Bourg en lieu et place d’un modeste prieuré bénédictin, le monastère royal de Brou pour perpétuer sa gloire et le souvenir de l’amour qu’elle portait à son époux, mais aussi son ambition politique d'héritière du duché de Bourgogne et de régente des Pays-Bas. Suite à la décision de la princesse d’être inhumée aux côtés de son époux, il s’agit désormais de construire un écrin digne de son rang qui abritera trois somptueux tombeaux : ceux de Philibert le Beau, de sa mère et le sien propre. En souvenir du jour de la mort de Philibert, Marguerite exige que l’église soit placée sous le vocable de saint Nicolas de Tolentin, moine augustin italien très populaire en Savoie.

Nommée en 1506 régente des Pays-Bas pour le compte de son père puis de son neveu l’empereur Charles Quint, Marguerite suit depuis la Belgique ce chantier exceptionnel, rapidement mené (1505-1532). Elle y envoie les meilleurs maîtres d’œuvre et artistes de toute l’Europe, dont l’architecte de renom Loys Van Boghem qui succède à Jean Perréal. En juillet 1513, la première pierre de la nouvelle église est posée. Il ne faudra que 26 ans pour construire ce magnifique chef d'œuvre, ce qui est exceptionnel à cette époque. Marguerite s’éteint le 1er décembre 1530, sans avoir vu son œuvre achevée. Son corps est inhumé à Brou en juin 1532.


Du monastère au musée

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Le deuxième cloître

Dans les premières années du chantier, la priorité est donnée à l’établissement convenable des moines augustins de Lombardie chargés de prier pour les illustres personnes enterrées à Brou. Edi-fiés de 1506 à 1512, les bâtiments monastiques s’articulent autour de l’église et de trois cloîtres. Chacun répond à une fonction particulière : le premier, lieu de transition entre le monde extérieur et la communauté des moines, abrite aussi les appartements de Marguerite d'Autriche ; le second, le plus vaste, remplit la fonction traditionnelle de lieu de médiation et de promenade pour les moines ; le troisième, séparé des deux autres par le grand corps du bâtiment principal, répond aux besoins pratiques de la vie monastique ; le style bressan de son architecture conduit à penser qu’il a été réalisé par des maîtres-maçons locaux. Le rez-de-chaussée abrite les salles de la vie communautaire des moines, dont deux salles capitulaires et le réfectoire. A l’étage, un vaste couloir plafonné à la française dessert les cellules avec antichambre réparties sur toute la longueur du bâtiment.
L’aisance financière des moines du vivant de Marguerite d’Autriche s’estompe progressivement et l’entretien des bâtiments devient de plus en plus lourd. Les moines augustins déchaussés français qui leur succèdent, demeurent néanmoins à Brou jusqu’à la Révolution française, date à laquelle ils sont contraints d'abandonner les lieux. Le bâtiment est saisi comme bien de la nation. Thomas Riboud, procureur général syndic de l’administration départementale, obtient de l'assemblée constituante que Brou soit classé monument national ce qui le garantit de toute destruction. Dès 1791, l’église sert de grenier à fourrage pour l'armée ; les bâtiments monastiques sont reconvertis en caserne pour les invalides et la garde départementale, et en prison pour les prêtres réfractaires.

En 1823, Brou est remis au clergé qui y installe le séminaire diocésain jusqu'en 1907. Après la première guerre mondiale, l’État cède à la Ville de Bourg la majeure partie du monastère pour y installer son musée municipal en 1922, tandis que l’église devient un monument historique ouvert à la visite. La propriété de l'édifice se partage aujourd'hui entre l'État et la ville de Bourg-en-Bresse. 


L'église, un chef d'œuvre du style gothique flamboyant

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Le jubé de style gothique flamboyant

L'église du monastère, unique en France par son style bruxellois, s’impose par sa remarquable toiture. Les travaux de restauration engagés de 1996 à 2000 ont restitué, conformément aux dispositions d’origine, le haut comble à deux versants pentus couvert de tuiles vernissées de quatre couleurs disposées en losange. Cette toiture d'inspiration bourguignonne affichait au loin l'ambition politique de la princesse à recouvrer le duché de Bourgogne.

Bâtie selon un plan traditionnel en croix latine à transept saillant, l’église exprime la virtuosité qui caractérise l’art gothique flamboyant. Les fastes du style s’épanouissent à profusion dans cette dentelle de pierre. Ce ne sont que cannelures, niches, pinacles, arcatures, archivoltes festonnées, feuilles de choux frisés... formant un exceptionnel ensemble artistique à l’aube de la Renaissance.

La nef dépouillée contraste avec le chœur qui concentre toute la splendeur décorative. Sobre et voûtée d’ogives, elle est flanquée de bas-côtés et de chapelles. La lumière pénètre largement à travers les verres clairs de ses grandes baies en arc brisé. N’étant pas une église paroissiale, mais un mausolée dans lequel ne priaient que les moines augustins, elle ne contient aucun banc pour les fidèles.

Le jubé a été conçu, non seulement pour séparer la nef du chœur, mais aussi pour porter une galerie. Abondamment décoré d’une dentelle de pierre, il développe trois arcades en arc surbaissé au-dessus desquelles un passage protégé par des balustrades permettait la circulation de Marguerite d’Autriche entre son oratoire et ses appartements privés.

Un somptueux dallage coloré et figuré ornait le sol du chœur. En faïence polychrome fragile, il a disparu progressivement sous les pas des visiteurs. Seuls 200 carreaux sont conservés aujourd’hui sur près de 9 000 à l’origine. Leur vocabulaire décoratif se rattache à la Renaissance avec une grande variété de personnages antiques, trophée d’armes ou d’instruments de musiques, entrelacs dans des tons de bleu et ocre jaune.


Un écrin pour trois tombeaux

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Tombeau de Philibert le Beau, détail du gisant

Le tombeau de Marguerite de Bourbon (1438-1483) est creusé de manière classique en enfeu dans le mur sud. La duchesse, mère de Philibert le Beau, représentée en habits d’apparat, est entourée de petits amours portant ses armoiries. Ses pieds sont appuyés sur une levrette, symbole de fidélité. Au soubassement, des arcatures abritent des angelots alternant avec des pleurants.

Les tombeaux monumentaux de Marguerite d’Autriche au nord et de Philibert le Beau (1480-1504) au centre, présentent une architecture à deux étages qualifiée de « sépulture moderne » dans les documents anciens : le gisant figure la personne « au vif » en partie haute, et le transi dans son linceul, en partie basse. Le tombeau du prince s’élève majestueusement au centre du chœur de l’église élevée pour lui. Il apparaît vêtu de son armure, entouré de putti portant l’emblème de la Maison de Savoie, un lion à ses pieds, sa tête tournée en direction de son épouse. Dix sibylles entourent le transi. Le tombeau de la princesse, de dimensions imposantes, évoque un lit à baldaquin. Le « vif » en costume de cour, un lévrier à ses pieds, est encadré de quatre putti portant ses armes. Le transi enveloppé dans un linceul représente le corps idéalisé de Marguerite, ses longs cheveux défaits.

La petite statuaire est réalisée par un atelier bruxellois, venu travailler à Bourg. Les gisants terminés en 1531 sont l’œuvre de Conrad Meyt, « tailleur d’image » d'origine souabe attaché à la cour de Marguerite d’Autriche.


Les stalles du chœur

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Détail des stalles en chêne, 1532, classé au titre des monuments historiques

Placées dans le chœur de l’église, les stalles sont destinées aux moines et utilisées pour les offices. 74 sièges sont réparties sur deux rangées de chaque côté. Séparées par des accotoirs sculptés et surmontées en partie haute d’un dais richement décoré, leurs sièges munis d’une charnière se relèvent pour que les moines prient debout ; durant les offices souvent longs, ils avaient ainsi la possibilité de s’appuyer sur une miséricorde.

Taillées et sculptées dans du chêne provenant sans doute de la forêt voisine de Seillon, les stalles sont réalisées à la fin du chantier entre 1530 et 1532. La menuiserie proprement dite a pu être réalisée localement, mais la fine sculpture est à rapprocher du maniérisme anversois, avec les attitudes dansantes des personnages et un décor de transition entre l’art gothique et la Renaissance. Sont représentées des scènes et personnages inspirés de l’Ancien Testament au sud et du Nouveau Testament au nord.


La richesse des vitraux colorés

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Verrière de la chapelle de la princesse

L’église a conservé ses vitraux d’origine réalisés entre 1525 et 1532 qui ornent le chœur, les chapelles adjacentes et un bras du transept. Ils illustrent des scènes tirées des évangiles et mettent en scène, Marguerite d’Autriche et Philibert de Savoie, accompagnés de leurs saints patrons. Des verrières héraldiques comportant 64 blasons complètent cet ensemble monumental.

Réalisés par des maîtres-verriers bressans et lyonnais à partir des modèles conçus au Pays-Bas, ils sont inspirés notamment des gravures de Dürer et du Titien. Les cinq baies du chœur s’organisent autour de l’Apparition du Christ figurée sur deux registres, avec la représentation de Marguerite et Philibert en prière. De part et d’autre s’affichent la glorieuse généalogie de la fondatrice au sud (dynastie des Habsbourg et Maison de Bourgogne) et celle de son mari au nord (Maison de Savoie et Bourbon).

Dans la chapelle de la princesse, la verrière de l’Assomption et du Couronnement de la Vierge, dite la plus parfaite pour sa composition et son exécution, envoie ses éclats colorés sur le retable en albâtre des sept joies de la Vierge. Dans le haut du fenestrage, un bandeau en camaïeu de brun rehaussé d’or figure le Triomphe de la foi d’après une gravure du Titien. Au bas du vitrail, de nouveau le couple princier.



En savoir plus sur le musée

Les mots à comprendre

A la française : se dit d’un plafond composé de solives parallèles de même largeur que les vides entre elles.

Jubé : clôture monumentale qui sépare le chœur de la nef

Putti : angelots nus et ailés

Miséricorde : petite console sculptée de motifs décoratifs ou de scènes profanes car il était blasphématoire de s’asseoir sur une représentation sacrée.

A voir aussi dans ce site

Dossier pédagogique

Fiches conçues par le service éducatif des archives départementales de l'Ain, pour les classes de 6e, 5e, 4e et Seconde : La construction du monastère de Brou à travers les archives

A lire sur le sujet

Brou, Bourg-en-Bresse, Marie-Françoise Poiret, Marie-Dominique Nivière, MCéditions, 1990


Le monastère royal de Brou, l'église et le musée, Bourg-en-Bresse, Marie-Françoise Poiret, Centre des monuments nationaux - Editions du patrimoine, Les Amis de Brou, Editions Art Lys, 2000


Le monastère royal de Brou, Benoît-Henry Papounaud, Centre des monuments nationaux - Editions du Patrimoine, 2012