Vestiges romains d'Izernore

Isarnodurum est la seule agglomération gallo-romaine du Haut-Bugey. Son temple ruiné, unique vestige monumental d'époque antique conservé dans le département, est mentionné comme "en partie détruit" dès le 6e siècle. Les nombreuses recherches menées depuis plus de 2 siècles se sont concentrées sur cet édifice. Il n'est cependant qu'un élément d'un vaste ensemble présentant toutes les composantes d'un vicus (voies, habitat noble, fermes, commerces, thermes, sanctuaire...) assez étendu et riche de nombreux aménagements.

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Une bourgade romanisée en territoire Séquane

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Carte des peuples de la Gaule romaine

Sur le territoire de l'Ain, au moins sept agglomérations d'époque romaine ont été identifiées : Belley, Bourg-en-Bresse, Briord, Saint-Vulbas, Vieu et Izernore. La ville, vitrine de la romanisation, est dotée de bâtiments publics et d’édifices de culte.  

Le statut de vicus ne peut être attesté par des inscriptions repérées en fouilles ou dans des pierres de remploi. Vieu possédait un édifice de culte et des thermes. A Bourg-en-Bresse, le caractère urbain est mis en évidence par les soubassements d’un temple et d’une basilique funéraire. Izernore est la seule agglomération où subsistent les vestiges d’un temple.

Localisé dans un couloir géographique favorable aux échanges, le site d'izernore est occupé dès le 2e siècle avant notre ère par le peuple gaulois des Séquanes. La bourgade connaît ensuite un essor à l’époque romaine et devient une agglomération jouant un rôle important dans la romanisation de ce territoire de moyenne montagne. Les aménagements publics et l’étendue urbaine repérés (thermes, temple, voies et rues, quartiers d’habitations et de boutiques, villae périurbaines...) tendent à lui attribuer un statut de vicus. Mais aucune preuve épigraphique n'est venue le confirmer.


Plusieurs siècles d'exploration

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Bague avec intaille représentant une scène mythologique

Les premières recherches à Izernore remontent à la fin du 18e siècle, favorisées par Thomas Riboud, fondateur de la Société d'Emulation de l'Ain. Les fouilles se concentrent sur les thermes où les murs de trois salles sont dégagés et sur le temple, révélant l'existence de deux édifices successifs. En 1813, une nouvelle fouille dégage le parement extérieur du péristyle. Un peu plus tard, des habitants d'Izernore découvrent dans un terrain proche un doigt en bronze, appartenant vraisemblablement à une statue de divinité. En 1863, à la demande du Préfet de l'Ain, des opérations officielles sont menées par Etienne-Joseph Carrier qui dresse des plans des différents monuments.


Au début du 20e siècle, une troisième vague de recherches est entreprise mettant au jour en périphérie les villae de Pérignat et de Bussy. De 1962 à 1972, de nouvelles parcelles dites du « lotissement communal » sont fouillées, mettant en évidence un quartier du vicus composé de bâtiments à vocation agricole et artisanale. Sur le chantier de la construction de l'HLM de l'actuelle gendarmerie, on découvre des fragments de céramique sigillée en provenance du sud de la Gaule et une bague en or dont l'intaille figure une scène mythologique. Cet objet est devenu l’une des pièces phares des collections du musée archéologique municipal qui valorise l'ensemble du site d'Izernore et le résultat des fouilles successives.


Le nord de la commune fait l’objet de fouilles préventives au début des années 2000 dans le cadre d'aménagements urbains. Enfin, une nouvelle intervention archéologique en 2013 a permis une relecture des données anciennes relatives au temple. En 2015, des travaux de nettoyage et de consolidation finalisent la mise en valeur du sanctuaire, seul vestige monumental d’époque romaine conservé dans le département.

VIDEO Izernore, sur les traces de l'archéologue


Un temple dédié à un dieu inconnu

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Le temple mis en valeur suite aux travaux de restauration (2015)

Les études ont révélé l’existence de deux temples construits consécutivement au Haut-Empire (1er-2e siècles de notre ère). Le second édifice, bâti en grand appareil de maçonnerie, encore en partie conservé aujourd'hui, tient compte des dimensions du bâtiment qui le précède. Le mur stylobate chemise les murs de l’ancienne construction. La cella visible actuellement correspond aux restaurations effectuées en 1910.

Faute d’éléments probants, l’attribution d’un temple à une divinité ne peut être assurée. Une inscription à Mercure, dont la provenance est incertaine, laisse supposer que le sanctuaire lui était dédié. Cependant, une dédicace à Mars, trouvée en réemploi dans un château des environs, et la dénomination d’un chemin voisin « vi de mars » ont aussi laissé penser que le temple était offert au dieu de la guerre. Enfin, découverte près du site, la statuette d’un personnage assis coiffé d’un bonnet phrygien a été identifiée comme le dieu d'origine celtique Sucellus, nommé aussi "dieu au maillet". La divinité pour laquelle le temple a été bâti reste donc encore un mystère.

Les vestiges du temple d'Izernore sont classés au titre des monuments historiques depuis 1840.


Les puits antiques livrent leur secret

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Bâtiment sur cave avec son puits

 

Une équipe d'archéologue de l'Inrap, sur prescription de l'État et soutien du Département de l'Ain, a conduit durant l'été 2020 une fouille archéologique Rue des Tablettes.

L'opération a révélé un quartier d'habitation antique en activité entre le 1er et le 5e siècle ainsi qu'un ensemble de puits.

En savoir plus sur les découverte et visionner le reportage vidéo


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Conditions de visites et animations du Musée archéologique d'Izernore

Les mots à comprendre

Vicus (vici au pluriel) : petite agglomération dotée de services administratifs, religieux et d’équipements publics, possédant ses propres institutions et magistrats. Le vicus sert d’interface entre la campagne et les grandes cités (civitates).

Séquanes : peuple gaulois implanté dans un vaste territoire s’étendant entre la Saône, le Rhône, le Jura et les Vosges. Vesontio (Besançon) était leur capitale.

Epigraphique : relatif à l’étude des inscriptions réalisées sur des matières non putrescibles telles que la pierre (on parle alors d’inscriptions « lapidaires»), l’argile ou le métal.

Péristyle : galerie de colonnes faisant le tour extérieur ou intérieur d'un édifice.

Villa (villae au pluriel)  : grand domaine composé généralement de la pars rustica destinée aux activités agricoles et artisanales et de la pars urbana réservée à la résidence du propriétaire.

Céramique sigillée : céramique fine destinée au service à table durant l'Antiquité romaine. Elle se caractérise par un vernis rouge et des décors en relief, moulés, imprimés ou rapportés. Certaines pièces portent des estampilles d’où elle tire son nom, sigillée venant de sigillum : le sceau. Ce type de poterie rencontre un très grand succès dans le monde méditerranéen à partir du règne d'Auguste au 1er siècle de notre ère.

Intaille : pierre dure et fine gravée en creux pour servir de sceau ou de cachet, présentée seule ou montée en bague. C'est le contraire du camée qui est une pierre gravée en relief. Dans l'Antiquité, ces petites pierres serties dans une bague servent principalement de sceau personnel.

Mythologie : ensemble de mythes (récits mêlant des figures divines, humaines ou monstrueuses) liés à une civilisation, une religion ou un thème particulier.


Stylobate : mur supportant une colonnade périphérique.

Cella : pièce centrale d’un édifice de culte réservée à la statue de la divinité.

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