Identité culturelle de la Dombes

Plurielle et singulière, la Dombes a une histoire particulière. Principauté indépendante pendant deux siècles la Dombes n’est rattachée au Royaume de France qu’en 1762. Dès le 12e siècle, des moines aménagent la Dombes pour créer les premiers viviers à poissons en apprivoisant les marécages encore aujourd’hui entretenus et exploités dans le respect des traditions séculaires.

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La ou les Dombes ?

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Paysage singulier de la Dombes

Une Dombes plurielle ! Géographiquement, on peut distinguer plusieurs Dombes : celle du sud-ouest, ou Dombes sèche, celle du sud ou de l’est, très vallonnée et boisée, celle du nord aux vallons et aux butes usées, et enfin la Dombes centrale, celle des étangs.

La Dombes, Pagus Dumbensis, marchia Dumbarum, est mentionnée, pour la première fois, au 6e siècle dans la légende de Saint Trivier. Au mot Dombes, ont été données diverses origines : région basse, pays de brumes, pays couvert de bois, tumulus, pays de tombeaux … Les humanistes du 18e siècle prétendent que le Pagus Dumbensis médiéval entraîne le singulier « la Dombes », au même titre que « la Bresse » sa voisine ou « la Savoie ». Les auteurs choisissent alors en majorité le singulier précédé de « la ».

Au 19e siècle, le conseiller Mantelier, sollicité par l’évêque de Belley pour l’appellation de l’abbaye du Plantay, rédige une lettre dans laquelle il analyse la justesse de l’emploi du pluriel par rapport au singulier. Il conclut par l’emploi du pluriel. C’est ainsi que l’abbaye cistercienne se trouve être sous le vocable de « Notre-Dame-des-Dombes ».

De nos jours, l’usage a retenu l’appellation « La Dombes » en se référant à l’entité dombiste, le singulier est de mise : son sol, sa culture, son histoire … sont uniques !


Aux confins de la Dombes : Le val de Saône

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Paysage Val de Saône

Partant de l’est du plateau tertiaire de la Dombes, couvert d’immenses champs de maïs, le Val de Saône longe le cours de la Saône, dont la vallée limoneuse, particulièrement fertile, est exploitée en petites parcelles. On peut découvrir la rivière par les chemins de halage qui datent du Moyen Age, quand la Saône était un grand axe de circulation pour les hommes et les marchandises, âprement disputé par le Comte de Savoie, le Comte de Mâcon, les sires de Villars, les sires de Beaujeu, et l’archevêque de Lyon. Jusqu’au 16e siècle, elle reste la frontière naturelle entre la France et le Saint-Empire. Plus récemment, de la fin du 18e au milieu du 19e siècle, le val de Saône est devenu un lieu de villégiature très prisé des nobles et bourgeois lyonnais, qui y construisirent et y restaurèrent de très nombreuses demeures.


La Principauté de Dombes, une histoire princière

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Carte de la Principauté de Dombes env. 1601-1610.

Un aspect original de l'histoire de la Dombes demeure l'indépendance d'une partie de son territoire par rapport à la France. C'est au début du 15e siècle que la future principauté de Dombes se constitue territorialement. A cette époque, les ducs de Bourbon prennent possession du Pays de Dombes qui devient en 1560 souveraineté, et enfin principauté de Dombes. Malgré une annexion au royaume de France entre 1523 et 1560, la Principauté de Dombes acquiert son indépendance politique. Elle restera indépendante pendant deux siècles avec les caractères d'un état souverain : une capitale, Trévoux, un parlement, une chambre des comptes, le droit de battre monnaie et une armée. En 1762, le comte d'Eu, fils du duc du Maine, cède la Dombes au royaume de France. Un édit royal fixe officiellement l'union de la Principauté de Dombes au Pays de Bresse en 1781.


Les étangs, une histoire d’eau

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Le thou, marqueur du paysage dombiste, permet de vidanger l’étang.

L’une des premières mentions d’un étang dans les archives remonte à 1230, date à laquelle Marguerite de Beaujeu donne à la chartreuse de Poleteins (à Mionnay) divers biens parmi lesquels un étang aménagé. A partir du 13e siècle, les ecclésiastiques et les nobles encouragent la création d’étangs. Il constitue alors une source importante de revenus. Le poisson se vend bien, notamment en raison des obligations religieuses, le nombre des jours maigres englobent les quarante jours de Carême, le mercredi, le vendredi et le samedi ainsi que nombreuses fêtes calendaires. La production piscicole se dirige vers les villes de Bourg, Mâcon et Lyon ou la Savoie. Les créations d’étangs sont nombreuses du
14e au 15e siècle. Sous l’Ancien Régime, les étangs vont se développer pour couvrir jusqu’à 20000 hectares au milieu du
19e siècle. A cette époque, la carpe est le poisson d’eau douce le plus consommé en France. Les poissons sont acheminés par bateaux-viviers sur le Rhône jusqu’à Valence et sur la Saône.

A la Révolution, on remet en cause l’utilité des étangs et leur assèchement est envisagé en vue d’augmenter les surfaces cultivables. Une ordonnance de 1790, renouvelée en 1793, prévoit l’assèchement de toutes les terres inondées de France, mais le texte est abrogé par le Directoire.

En 1808, le débat est relancé suite au rapport du préfet de l’Ain Bossi qui dresse un portrait peu flatteur du dombiste et met en cause l’insalubrité de la région. Une importante polémique est entretenue à ce sujet, alimentée en son temps par Edgar Quinet. Une nouvelle loi votée en 1856 et la création de la voie ferrée Bourg-Lyon aboutissent à la suppression de près de la moitié des étangs en un siècle. En 1874, il n’en reste que 8750 hectares. Parallèlement, la concurrence du poisson de mer se fait jour grâce au développement des transports.

Dès 1901, la loi Bérard autorise la remise en eau des étangs. Leur nombre est stable à partir des années 1930 : un millier pour 11000 hectares. Aujourd’hui, leur surface moyenne est de 10 hectares même si certains en couvrent une centaine.


La coutume des étangs

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Coutume des étangs, Manuscrit de J. B. Riboud dit l’aîné, vers 1770.

Dès le Moyen Age, l’étang constitue un moyen adapté à la mise en valeur des sols imperméables de la Dombes. Il est source de richesses en fournissant le poisson, complément de nourriture aux céréales dans le régime alimentaire. Une fois vidé de son eau, il favorise la fertilisation et la culture du sol.

Dès le 13e siècle, l’exploitation des étangs en Dombes nécessite la mise en place de règles qui régissent l’utilisation des étangs et la gestion de l’eau. Au cours des siècles, les usages et les droits ont évolué. Considérés « d’intérêt public » au 15e siècle, il suffit dès lors d’être propriétaire d’un point bas pour construire un étang, en inondant au besoin les terres voisines. De ce droit d’inondation découle la dissociation de la propriété de la terre et de l’eau. Accompagnant cette mise en place, tout un ensemble d’usages s’instaurent, identifiant les droits et les devoirs respectifs des nombreux propriétaires et usagers de l’eau et du sol. Ils sont formalisés par écrit dès le 17e siècle. De nos jours, les droits et les devoirs concernant la circulation de l’eau entre les étangs sont toujours d’actualité. Un étang ne fonctionne pas isolément. Il est solidaire d’un réseau complexe de fossés et de biefs ; remplir ou vider l’étang dépend d’un amont et d’un aval. C’est donc autour des réseaux hydrographiques et des droits d’eau qui relient aussi bien les hommes que les étangs, que s’illustrent les champs d’application du droit coutumier.

Pendant près de huit siècles, la pêche en Dombes s'est organisée et perfectionnée donnant naissance à des techniques aussi complexes qu'anciennes qui nécessitent une maîtrise du milieu et de ses contraintes. Dans les lueurs de l’aube, d’octobre à mars, on peut assister à de pittoresques scènes aux gestes séculaires. La pêche est aujourd'hui le moteur d'une activité économique locale puisque la Dombes figure parmi les premières régions piscicoles en eaux douces de France.


L’agriculture en assec : une singularité dombiste

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Paysage de la Dombes

Dès le Moyen Age, les étangs de la Dombes se distinguent par leur mode d’exploitation, basé sur l’alternance de périodes d’évolage et d’assec, c’est-à-dire de périodes de mise en eau destinées à la pêche et de mise à sec, réservées à l’agriculture.  Autrefois, l’avoine dominait la production céréalière pour nourrir les chevaux, supplantée en grande partie aujourd’hui par le maïs.
Ce système a connu des vicissitudes au 19e siècle. Les “dessécheurs”, considérant l’étang comme source d’insalubrité et de fièvres, s’opposent aux “carpiers” qui voient dans l’eau l’unique richesse du pays. Dix mille hectares d’étangs sont asséchés au profit d’une nouvelle agriculture d’agronomes érudits, se révélant finalement peu productive sur des terres dépourvus d’engrais naturels.

Depuis 1945, la période d’évolage s’est allongée sous l’influence croissante de la chasse en plein essor. La culture en assec reste néanmoins une tradition dombiste, favorisant la productivité de terres de faible rendement en facilitant la fertilisation naturelle. En comparaison, la région de la Brenne, dans le département de l’Indre, connaît très peu l’ensemencement des fonds d’étangs.


L’habitat traditionnel en pisé

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Ferme close à cour carrée

L’architecture traditionnelle sous toutes ses formes est majoritairement construite en pisé, qu’elle soit domestique (fours, puits…), agricole (granges, étables, pigeonniers…) ou préindustrielle (moulins à eau, fours, forges, tuileries…). Elle constitue un élément structurant de l’identité de la Dombes. La pierre et la brique étaient réservées aux édifices majeurs (églises, châteaux, remparts ou maisons de maître…).

En Dombes et en Val-de-Saône, les luttes féodales obligèrent les habitants à bâtir des fermes ou des manoirs à cour fermée, plus faciles à défendre. Les murs extérieurs, protégés par des fossés, ne sont percés que de rares ouvertures. Le portail d’entrée est parfois surmonté d’un pigeonnier. Au sommet des murs court un petit encorbellement, plus décoratif que défensif. La grande cour unifie les bâtiments et les préaux. Les variantes en L ou en U conservent le principe de la distinction entre espace intérieur et espace extérieur.