Eglise de Saint-André-de-Bâgé
Comme jaillie du sol, l'église domine les terres de Bresse en sa limite ouest, non loin de la Saône et de Mâcon. Autrefois siège d'une puissante seigneurie, elle est la seule église de l'Ain à avoir échappé à la fureur destructrice des révolutionnaires et conservé son superbe clocher roman d'origine. L'édifice a été classé monument historique dès 1840.
Seul clocher ancien conservé de l'Ain
Mentionnée dans une charte du cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon datée de 878, l’église devient trois siècles durant celle des maîtres de la Bresse, les seigneurs de Bâgé. Elle fait suite à une chapelle remise au début du 11e siècle par le sire Ulrich de Bâgé aux moines de Tournus afin qu'il y construise un prieuré et une véritable église digne d'être honorée. En 1268, le seigneur Guy, père de Sybille de Bâgé dont le mariage apportera la Bresse en dot au comte de Savoie, y est enterré.
Elle assume sa vocation paroissiale jusqu'au 17e siècle, mais vu son délabrement, sa démolition est envisagée. On lui préfère son annexe, l'ancienne chapelle voisine de Bâgé-le-Châtel. Fort heureusement, les révolutionnaires se désintéresseront de l’église qui ne sert plus pour le culte. Albitte, le tristement célèbre commissaire de la République qui fait abattre tous les clochers des églises et des chapelles de l'Ain en 1792, l'oublie... Seule l'extrême pointe de la flèche sera arasée.
L’édifice a fait l'objet de nombreuses restaurations, la dernière en 1992 sous la conduite d'Eric Pallot, architecte en chef des monuments historiques, comprenant la réfection des couvertures et des façades. A l'intérieur, un lait de chaux a redonné son aspect originel aux murs et à la charpente.
Désaffectée cultuellement aujourd'hui, elle accueille des concerts et des expositions à la belle saison.
Un joyau de l'art roman
L'édifice au sobre plan en croix latine présente une grande homogénéité. Ayant bénéficié de l'influence bourguignonne favorisée par la proximité géographique et les liens avec l'abbaye de Tournus, il exprime magnifiquement dans la pierre le vocabulaire architectural roman.
Une haute tour-clocher octogonale de type clunisien s'élève sur trois étages, ornés de bandes lombardes et de baies géminées. Elle est surmontée d'une flèche en pierre culminant à 37 mètres.
Le chevet se compose d'une abside flanquée de deux absidioles dont les couvertures en lauzes sont soulignées par des corniches à modillons. La façade, au décor de bandes lombardes de belle qualité, se divise en trois niveaux d'arcatures en plein cintre. Le portail est encadré de colonnes dont les chapiteaux supportent une archivolte de forme brisée.
Dans la vaste nef plafonnée à l'origine, la charpente a été rendue apparente quand elle fut refaite en 1844. Eclairée par six fenêtres hautes, elle conduit au transept et au chœur auxquels on accède par l'arc triomphal flanqué de deux passages latéraux dits « berrichons ». Elle était jadis le lieu de rassemblement des fidèles qui s'y tenaient debout pendant les célébrations, mais aussi des habitants du village qui pouvaient s'y réunir pour résoudre toutes sortes de problèmes. On y accueillait les pèlerins de passage. On y recevait les pauvres et les malades. Un banc de pierre, appelé banc de miséricorde ou banc des pauvres, court en partie basse tout autour de la nef.
L'abside en hémicycle voûtée en cul de four est éclairé par trois baies romanes. Cinq arcs reposent sur des colonnettes richement sculptés dont les chapiteaux historiés alternent avec des motifs végétaux.
L’enseignement par la sculpture des chapiteaux
Le décor ornemental se concentre essentiellement sur les éléments porteurs de l'architecture : pilastres cannelés en façade, bandes lombardes du clocher, colonnettes ou chapiteaux à volutes des baies, mais aussi sur certains chapiteaux : feuilles d'acanthe ou de chélidoine, rinceaux, palmettes et fleurons.
Les chapiteaux historiés demandent une lecture attentive au-delà de la simple image souvent truculente qu’ils renvoient. Illustrations de l'enseignement dispensé jadis aux fidèles illettrés, ils racontent des histoires et sont sujets aujourd’hui à des interprétations diverses.
En façade, le Christ, bien reconnaissable à son auréole crucifère, est accompagné de saint Pierre et de trois autres personnages présentant un livre ouvert, un parchemin et un coffret.
A la croisée du transept, au nord-ouest, un personnage lutte contre le mal symbolisé par deux serpents : représentation de la Luxure, ou du refus d'y succomber ? Au sud-ouest, au milieu de feuilles d'acanthe, deux visages transmettent ce qu'ils ont entendu, l'un incrédule la bouche ouverte et détournant les yeux, l'autre tirant la langue, non pas en signe de moquerie, mais indiquant qu’il a entendu et restitue la parole divine. Au sud-est, la scène biblique du Sacrifice d'Abraham, permet de mesurer jusqu'où pouvait aller la confiance d'Abraham en Dieu. Un couteau à la main, il s'apprête à sacrifier Isaac, son fils unique. Un ange retient son bras et présente un bélier à immoler à la place. La base ornée de cette même colonne déroule l'histoire d'une conversion en plusieurs épisodes, du batracien à buste humain jusqu'au pèlerin pardonné.
Dans l'abside alternent des chapiteaux à décor végétal et d'autres historiés. La bonne et la mauvaise parole sont illustrées par un serpent qui sort de la bouche d’un personnage et vient lui mordre la joue d’un côté (la médisance), et une fleur qui se dresse et s’épanouit de l’autre côté, symbole que l’on peut aussi dire du bien d’autrui. Daniel dans la fosse aux lions raconte l'histoire du prophète : après sa dénonciation des prêtres babyloniens qui demandent d'adorer des animaux, il est jeté en pâture aux lions affamés. Les fauves lui laisseront la vie sauve. Face à lui, un chapiteau montre un centaure, cheval au torse et à la tête d'homme, tirant à l'arc sur un oiseau qui s'envole : est-ce l'illustration du combat de la chair et de l'esprit ?