Château de Montferrand à Lagnieu
De 2015 à 2017, la Ville de Lagnieu a conduit la restauration d’un décor peint du 16e siècle dans une salle du château dont elle est propriétaire. Construit par Claude de Montferrand sur autorisation du Duc de Savoie en 1471, l'édifice fait partie de l’enceinte fortifiée de la ville. La qualité des peintures murales et la richesse du répertoire iconographique en font un patrimoine unique dans l’Ain.
Le château de Montferrand
Ville stratégique entre la Savoie et le Dauphiné, Lagnieu est entourée d’une enceinte édifiée à la fin du 14e siècle. En 1471, Claude de Montferrand, déjà propriétaire de la Tour du Vernay, obtient du duc de Savoie l’autorisation de bâtir son château dans l’angle nord-ouest de la muraille. Il fait donc partie intégrante du système de fortification urbaine.
Si son aspect originel reste mal connu, on sait qu’à la fin du 18e siècle, le château prend la forme d’un quadrilatère flanqué de 5 tours, ouvert sur une cour centrale. Il connaît après la Révolution des phases de modification et de destruction, le rendant aujourd’hui deux fois moins vaste qu’auparavant. Vendu comme bien national entre 13 propriétaires différents, cette bâtisse imposante s’est transformée en immeuble de logements privés. Les toitures écroulées ont été remplacées par une couverture plate qui en modifie l’allure générale. En 1990, le château est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques à la demande de la commune qui souhaite le protéger.
La redécouverte des peintures murales
La Ville s’est peu à peu rendue propriétaire de différentes parties du château afin de protéger et mettre en valeur ce patrimoine. Le décor peint était connu mais jamais étudié et le temps a considérablement altéré son état. Des sondages réalisés en 2015 confirment l’importance patrimoniale de ce décor civil peint à la détrempe. On estime pourtant qu’environ 40% de sa surface a disparu à jamais...
La commune fait appel à Isabelle Rosaz, restauratrice d’art, qui conduit le chantier de restauration de l’automne 2016 à l’été 2017. Ce travail minutieux permet de révéler plusieurs scènes : des combats, des lions, un tournoi, des personnages, une licorne, ainsi qu’une tente surmontée d’une oriflamme aux armes de la famille Montferrand...
L’auteur et la date exacte des peintures ne sont pas connus. Toutefois, des éléments tels que la technique du peintre, l’écriture gothique et les costumes des personnages orientent les spécialistes vers une œuvre de la seconde moitié du 16e siècle. Mais il s’avère que les scènes relatent peut-être un événement beaucoup plus ancien.
Les hypothèses d’interprétation
Des indices ont aidé le conservateur des monuments historiques Gilles Soubigou à l’identification de plusieurs scènes. En premier lieu, un personnage récurrent combattant des lions, puis portant l’une des dépouilles et une massue, représente alors Hercule. Les phylactères, indiquant notamment le nom de Philotes, ont permis de retrouver la source d’inspiration de ces scènes : il s’agit du Recueil des histoires troyennes écrit par Raoul Lefèvre au 15e siècle et illustré par des xylographies ayant servi de modèles au peintre de Lagnieu.
Le décor de tournoi, accompagné d’une tente, de personnages et de musiciens, peut être interprété comme une scène de festivités, à mettre probablement en lien avec la scène lui faisant face : une jeune fille près d’une fontaine portant une licorne sur ses genoux. Cette dernière est un symbole de pureté, de chasteté, une allégorie généralement liée au mariage. Dès lors, la fête figurée serait-elle en lien avec un tel événement ?
Les armes des Montferrand relevées sur l’oriflamme au sommet de la tente indiquent qu’il pourrait s’agir d’un mariage au sein de ladite famille ou auquel l’un de ses membres fut convié.
Quelle est alors la relation avec les scènes d’Hercule ? L’une des hypothèses émise est celle de la représentation du mariage en 1468 du duc de Bourgogne Charles le Téméraire avec Marguerite d’York, sœur du Roi d’Angleterre. En effet, un tournoi dit « Pas de l’arbre d’or » fut organisé à Bruges durant plusieurs jours pour célébrer cette union. On retrouve dans le décor peint des arbres aux fruits dorés, qui pourraient y faire référence… On sait également grâce au chroniqueur Olivier de la Marche (1425-1502), que pendant les banquets, des saynètes tirées de la vie du héros antique Hercule y ont été jouées.
Restait à comprendre le lien entre le château de Lagnieu et ce mariage royal... Il est fort possible que des membres de la famille Montferrand y étaient invités, puisqu’Olivier de la Marche, en listant les participants au tournoi, cite le nom de Montferrand. Et l’année suivante, Jean de Montferrand devient Conseiller et Chambellan du duc de Bourgogne.