Cuivrerie de Cerdon

Propriété du Département de l’Ain depuis 2018, la Cuivrerie a fait l’objet d’une ambitieuse réhabilitation pour transmettre cet héritage industriel emblématique au public.
Un nouveau parcours scénographié est proposé à travers les ateliers entièrement rénovés et dans lesquels les outils, les machines et les objets en cuivre ont retrouvé leur place et leur lustre d’antan.
Ouverture à la visite depuis février 2023.

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L'usine fait peau neuve

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Pièces d'orfèvrerie restaurées

La Cuivrerie de Cerdon représente plus de 150 ans d’histoire industrielle, autour de la production d’objets et d’ustensiles en cuivre, menée par plusieurs générations de la famille Main à travers leur société « Main & Fils ». Agglomérée au fil du temps autour d’un ancien moulin à blé, l’usine s’est agrandit petit à petit, au gré des évolutions technologiques et des besoins de production. Fermée en 2010, elle a fait l’objet d’un important projet de réouverture au public, mené par le Département de l’Ain.

Chevauchant les eaux de la rivière la Suisse, dont elle tire son énergie grâce à 3 roues à augets, la cuivrerie raconte autant les changements des techniques de productions, les évolutions commerciales, que le contexte social ou encore la condition ouvrière. Par son rayonnement international et ses productions spécifiques (industrie de la soie, articles orientaux), elle ouvre aussi à l’histoire de la France et des colonies comme au commerce international. Enfin, elle permet d’évoquer les techniques de production liées au travail du cuivre : dinanderie, emboutissage et repoussage, ainsi que leurs évolutions. C’est un patrimoine riche et unique en son genre, qui a retrouvé sa place parmi les richesses du département de l’Ain, après quatre années d’études et de travaux menées entre 2018 et 2022. Le chantier a mobilisé 26 entreprises, autour du cabinet d’architecte Croisée d’Archi et de l’agence de scénographie MasKarade, ainsi que les équipes départementales.

Inscrit au titre des monuments historiques, l’ensemble des bâtiments constitutifs de l’ancienne usine de fabrication d’objets en cuivre est maintenant restauré pour accueillir le public et valoriser son histoire. La singularité de ce site est d’avoir conservé en ses murs, les outils, les machines, ainsi que des exemples de productions. En plus des bâtiments, la réhabilitation a donc aussi intégré la restauration et la remise en route des machines, comme les presses à emboutir et les tours à repousser. Les nombreux outils ont aussi retrouvé leur place dans les ateliers, après inventaire et protection pendant les travaux. Enfin, une partie de la production, dont les prestigieuses pièces d’orfèvrerie, sont passées dans les mains de restaurateurs spécialisés pour retrouver leur éclat. Les diverses pièces de la cuivrerie, forge, atelier, ancien moulin, sont donc à nouveau présentées dans leur état de « fonctionnement ». L’étude du Fonds d’archives de l’entreprise, conservé aux Archives départementales de l’Ain, a quant à elle permis d’éclairer l’ensemble du site de nouvelles connaissances et a enrichi sa valorisation. Une attention particulière a été portée à la remise en place de tout le système de production afin d’offrir une vision fidèle, ou tout au moins réaliste de ce qu’a pu être l’usine lors de ses années d’exploitation, entre la fin du 19e siècle et les années 1970.


L'histoire continue...

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L’ère de la mécanisation. Les usages de l’eau et les matrices du balancier à friction.

Le rachat de la Cuivrerie de Cerdon par le Département de l’Ain en 2018, son inscription au titre des monuments historiques, et enfin la réalisation des travaux ouvrent un nouveau chapitre de l’histoire de l’usine. Le chantier au long cours a combiné réhabilitation des bâtiments anciens, construction d’un nouvel espace d’accueil, inventaire, traitement et restauration des objets, outils et machines, classement et analyse des archives de l’entreprise, travaux de recherches sur l’histoire du lieu, rénovation des installations hydrauliques et conception d’un parcours scénographique ludique et immersif misant sur des outils numériques. Les visiteurs découvrent donc désormais le site avec l’accompagnement de films, de maquettes, de tablettes numériques, de réalité augmentée, de casque de réalité virtuelle, de poste d’écoute de témoignages et des panneaux explicatifs.

Le concept scénographique choisi par le Département offre ainsi une visite originale, pour retrouver la cuivrerie en activité à différentes époques, pour se plonger dans l’ambiance du lieu, mais aussi pour comprendre son histoire, les types de productions, le réseau commercial de l’entreprise, son ancrage dans la vie locale, les savoir-faire mis en œuvre, ou encore la vie des ouvriers.

Ce patrimoine, à la croisée des chemins entre le patrimoine industriel, le patrimoine ethnologique et le patrimoine immatériel lié aux techniques et aux savoir-faire est désormais accessible à tous. Les 9 salles du parcours expliquent tour à tour le contexte d’implantation de l’usine et les particularités du village de Cerdon, les liens de l’usine avec le Japon, les réseaux commerciaux, la production, l’usage de la forge, des presses, des tours à repousser ou encore les impacts des deux guerres mondiales et l’épopée industrielle de la famille Main.


Revivez le chantier en image - Épisode 1 : l'inventaire des collections


Épisode 2 : remise en route des machines et enregistrement des savoir-faire


Épisode 3 : Travaux et remise en route du système hydraulique


Épisode 4 : Fabrication et installation de la scénographie et remise en place des objets et machines


Film documentaire rétrospectif du chantier de réhabilitation


La visite en images


Les débuts du cuivre

Pièce de la cuivrerie avec beaucoup d'outillage (jpg - 6225 Ko)

Collection d'outillage

L’aventure cerdonnaise de Charles-Eugène Main débute en 1836, au bord de la rivière de la Suisse, non pas dans le lieu qu’on connait aujourd’hui mais dans un bâtiment plus en amont. Associé à Louis Carrier, il se lance dans l’ouverture d’une fabrique de plateaux de balance et autres ustensiles en cuivre. Jacques Loisel, papetier influent de Cerdon, va les soutenir financièrement dans cette entreprise. En 1849, les deux chaudronniers reçoivent le prix de la médaille d’argent première classe, lors de l’exposition des Produits des Arts et de l’Industrie initiée par la société d’Emulation de l’arrondissement de Nantua. Ils sont alors récompensés pour la présentation d’un appareil à filer la soie, novateur pour l’époque.

Malgré une bonne entente, Charles-Eugène Main décide de fonder sa propre société, sous la raison sociale « Main et fils » en 1852. Ses trois fils, Joseph-Fleury, Victor et Jules-Eugène, vont travailler avec lui. Ce n’est que le 30 mars 1867 que les Main achètent le moulin Brunod (bâtiment actuel), pour installer leur fabrique. En 1869, Victor se sépare de ses frères et ouvre sa propre fabrique d’ustensiles en cuivre à l’entrée de Cerdon, à Pont de Préau. A partir de cette date, Cerdon va avoir deux sociétés de fabrique du cuivre concurrentes, tenues par les Main.

Charles-Eugène Main décède le 13 avril 1879 à 80 ans.


Deux sociétés concurrentes

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Papier en-tête de la société française des plateaux de balance

Les deux sociétés poursuivent leur propre chemin respectif. En 1885, Eugène prend la succession de son père et devient l’associé de son oncle Jules-Eugène. Ils vont tous deux racheter la fabrique de Carrier (ancien associé de Charles-Eugène) ainsi que le bâtiment de l’ancienne papèterie Loisel. Ils continuent de s’étendre. De son côté, Victor intègre son fils Francisque dans sa société en 1886. Mais l’entente ne dure pas.

Le 28 novembre 1895, le dernier fils de Charles-Eugène, Jules-Eugène, décède. Les petits-enfants, cousins, prennent le relais de leurs aînés. Les deux sociétés Main coexistent toujours mais se rapprochent physiquement. En effet, Francisque achète, en 1896, une papèterie bien en amont du village, sur la Suisse, et la transforme en fabrique de maillechort. De son côté, Eugène poursuit l’activité de « Main et fils ». Malgré la concurrence entre les deux entreprises, elles créent ensemble la société Française des Plateaux de Balances, le 13 juin 1905.


Un siècle tumultueux

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Coupure de presse sur la Cuivrerie de Cerdon

La famille Main va payer un lourd tribu à la première guerre mondiale. Les deux successeurs Main, les fils de Francisque et Eugène, sont tués. La veuve de Francisque Main vend son usine de maillechort. La société « Main et fils » reste la seule fabrique d’ustensiles en cuivre sur Cerdon. Ce sont deux femmes, Louise et Amélie qui poursuivent l’activité. Louise épouse Paul Bertrand et ils vont gérer ensemble cette affaire familiale. Leurs fils, Louis, va permettre à l’entreprise de perdurer jusqu’en 1972.

Après un intermède malheureux, Maurice Goy sauve la cuivrerie en 1980. Les machines sont remises en route et le site est ouvert au public. En 2007, il obtient le label national « Entreprise du patrimoine vivant », attribué aux entreprises illustrant « l’identité économique et culturelle française ». Cette aventure se termine en octobre 2010. La cuivrerie et ses machines sont protégées au titre des monuments historiques en octobre 2013. L’ensemble du site est acheté en mars 2018 par le Département de l’Ain.


150 ans d'évolution technique

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Quelques outils du dinandier

La Cuivrerie raconte, par l’évolution de l’outillage et des méthodes d’exécution, les progrès techniques des 19e et 20e siècles.
Afin d’améliorer le travail de l’ouvrier mais aussi d’augmenter la production et de répondre aux commandes, l’ingéniosité technique va servir le développement de l’entreprise. Les machines et les outils, présents encore aujourd’hui dans les ateliers, en sont les témoins.
Les gestes de l’ouvrier sont toujours nécessaires dans les différentes étapes de fabrication. Mais, pour certaines tâches, il va être secondé par la machine. La première installée est une presse mécanique, le balancier à friction de 1870, permettant d’effectuer un emboutissage (première mise en forme de la feuille de métal) plus rapide qu’aux martinets. En 1924, l’arrivée d’une toute nouvelle presse américaine Bliss permet une fabrication en série plus conséquente. Les tours à repousser vont aussi évoluer et surtout augmenter en nombre dans les années 1920. La mécanisation s’accélère dans les années 1960-1970 avec l’arrivée de nouveaux tours à polir, d’une agrafeuse, d’une poinçonneuse, toutes motorisées et donc électrifiées. Les « bécanes » plus anciennes sont aussi équipées de moteur électrique permettant de remédier au manque d’eau.
L’outillage propre à chaque machine est nombreux. Les mandrins, pièces permettant la mise en forme des feuilles de métal, sont fabriqués soit sur place soit en fonderie. Les clients peuvent aussi les fournir. Eléments remarquables, témoins de leur fabrication, des prototypes en bois et des moules en plâtre ont été retrouvés dans le grenier du moulin. Dans les années 1960-1970, un mécanicien-outilleur fait d’ailleurs partie des équipes, d’où la présence d’un tour à usiner.
Malgré tout, le travail plus traditionnel à la main perdure, lié aux savoir-faire du dinandier, finissant les pièces au marteau sur les tas. Le petit outillage est très présent et souvent fabriqué sur place, selon les objets à créer. L’ouvrier confectionne sa caisse à outils (marteaux, maillets, limes, compas, cuillers…). Des outils faits maison sont redécouverts comme les gabarits pour la découpe de tôle, pour les assemblages ou pour le cintrage des anses, des outils de perçage, de mise en forme…
La sauvegarde de tout cet ensemble est fortement liée à son fonctionnement en continu dans le temps. Malgré les évolutions techniques, chaque machine, chaque outil a conservé son utilité et a participé à la vie de l’usine, jusqu’à sa fermeture définitive.


De Cerdon vers le Japon

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Moulin à soie Joshu Tomioka - Yosai Saikuni

En 1858, la France et le Japon engagent leurs premières relations officielles par la signature le 9 octobre d’un traité de paix, d’amitié et de commerce. L’archipel nippon s’ouvre au monde après 250 ans d’isolement volontaire et le début de sa modernisation accélérée.

Entre 1855 et 1860, deux maladies des vers à soie, la pébrine et la flacherie qui attaquent et tuent le ver à soie, se répandent en France et déciment les élevages ; c’est une véritable catastrophe nationale. L’industrie de la soie lyonnaise, mondialement réputée, est durement touchée. Les soyeux vont alors se tourner vers le Japon pour l’approvisionnement en vers à soie résistants à la maladie. En été 1865, le gouvernement shôgunal libéralise définitivement le commerce des graines.

Le Japon s’engage dans un processus de modernisation en s’inspirant de l’Europe et plus particulièrement de la France. Pour édifier la plus grande filature de l’époque dans le monde, le gouvernement Japonais recrute l’ingénieur français Paul Brunat (1840-1908) de la société Hecht-Lilienthal, originaire de Bourg-de-Péage.

Brunat part en France au début de l’année 1871 pour commander tous les équipements nécessaires. Il parcourt la région de Lyon visitant de nombreuses entreprises. Les 300 bassines à dévider et filer les cocons sont commandées à la maison Main et Fils de Cerdon dans l’Ain (aujourd’hui La Cuivrerie de Cerdon). Le contrat en plusieurs articles est négocié et signé le 6 décembre 1871 entre la société Hecht Lilienthal et la maison Main et fils ; deux missions : d’une part, fourniture de trois cents machines de dévidage et de filage et, d’autre part, détachement d’un technicien compétent capable de monter ces machines et de les faire marcher. Il s’agit de Jules Chatron, né le 30 avril 1845 dans un petit village près de Cerdon (Ain), entré chez Main et fils en 1855, parti au Japon en janvier 1872, arrivé le 12 février et rentré en France le 25 novembre 1873.

Symbole de l’entrée du Japon dans le monde moderne industrialisé, la Filature de Tomioka a été inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en juin 2014 et classée Trésor National du Japon en octobre 2014.


Des exportations de par le monde...

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En-tête type de courrier Main et fils - 1899

En 150 ans, la Maison Main et Fils deviendra une référence dans le monde du métal. On retrouve ses productions dans le monde entier, des grands magasins parisiens aux souks du Maghreb.

A ses débuts l’entreprise fait des travaux de chaudronnerie. Travaillant régulièrement avec les soieries Bonnet pour divers travaux, la maison Main est amenée à mettre au point une machine de filature sur banque métallique en laiton équipée de bassines en cuivre. Ce nouvel appareil pour l’extraction des fils du cocon, ou dévidage, révolutionne le travail de filature en le mécanisant. Cette production devient une spécialité de l’entreprise, vendue dans les régions séricicoles de France, en Espagne et au Japon.
Toutefois la conception de plateaux de balance et l’orfèvrerie seront les deux productions principales de Main et Fils. De l’usine de Cerdon sortiront plusieurs dizaines de milliers de plateaux par an qui seront exportés dans toute l’Europe. La forte croissance de la demande pousse la famille Main à filialisé cette activité sous le nom de Société Française des plateaux de balances.

En 1870, l’entreprise se lance donc dans les pièces d’orfèvrerie hôtelière en maillechort. Les ustensiles réalisés se retrouvent sur la table des grands restaurants de France, les palaces ou à bord des paquebots. Une autre activité de la maison Main est celle des articles pour l’Orient fabriqués en grande quantité pour la marché des pays d’Afrique du Nord, du Proche et Moyen Orient. Les produits Main se vendent dans toutes les métropoles d’Europe de l’Ouest (Paris, Londres, Madrid, Genève, Berlin, Milan, Turin), dans tout le Maghreb, en Orient (Liban, Turquie, Syrie, Egypte), à Madagascar et jusqu’à à Rio-de-Janeiro !

Main et Fils fournit aussi des dizaines d’entreprises en petite machinerie, pièces pour automobiles, cuves et alambics et sulfateuses pour la viticulture, des appareils de lutte contre l’incendie, des casques de pompiers et même du matériel pour la Marine militaire ! La qualité de ses produits sera reconnue lors des expositions de Lyon en 1872 et surtout l’Exposition Universelle de Paris en 1889 où la maison Main sera récompensée pour sa maitrise technique.



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Les mots à comprendre

Maillechort : alliage inoxydable de couleur blanche composé de cuivre, de zinc et de nickel. D’aspect semblable à l’argent, il est utilisé en orfèvrerie pour sa couleur, sa malléabilité, son étirabilité et sa dureté. Le maillechort est fondu ou estampé, et peut-être doré ou argenté.

Dévidage : action de dérouler le fil du cocon de soie afin de le mettre en bobines.

Sériciculture : Élevage des vers à soie et récolte des cocons qu'ils produisent.

À lire sur le sujet

Anciennes usines à eau de Cerdon et Labalme : 3è volume, Jacques Grimbot. 2016.

Quatre mille ans d'histoire du cuivre : fragments d'une suite de rebonds. Ausonius éditions. Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2017

Ouvrages en consultation au 
Centre de documentation - Service Patrimoine culturel