Henry Grosjean, regard d'un artiste sur la Bresse

« Petit maître » de la peinture de paysage, Henry Grosjean (1864, Gondrecourt-le-Château - 1948, Coligny) est régulièrement récompensé dans les salons artistiques. De formation académique, brillant coloriste, son mariage avec une jeune fille de l’Ain est décisif : il devient « le peintre de la Bresse et du Jura ».

Henry Grosjean, Sur la route de Morteau, pastel, 1935 (jpg - 31 Ko)

Une vie d'artiste

Henry Grosjean au bonnet (jpg - 49 Ko)

Henry Grosjean au bonnet

Marie Gustave Henry Grosjean est né en Lorraine en 1864 dans une famille d’origine modeste. Menacés par le conflit franco-prussien, ses parents s’installent en région parisienne. Le décès de son père et de sa sœur, ainsi que la paralysie de son autre sœur, marquent son enfance. Encouragé par sa mère et sa tante qui l’élèvent, il développe sa sensibilité à la musique et à la peinture.

En 1885, il intègre l’École des beaux-arts de Paris, puis l’Académie Julian en 1889. En 1902, il se marie avec Cécile Chochod, originaire de Coligny, village de l’Ain situé au pied du Revermont, premier contrefort du Jura. Père de quatre enfants, il n’est pas réquisitionné sur le front durant la Grande Guerre. Il est sollicité par l’État pour contribuer à l’œuvre peinte collective  « Le Panthéon de la guerre » qui vante la puissance des Alliés.

Il mène sa vie de famille et sa carrière artistique entre son domicile du 16e arrondissement de Paris, son atelier de Neuilly-sur-Seine et la Bresse où il organise des « échappées dans le courant de l’année » dans sa villa La Floride située à Coligny et où il s’installe définitivement à partir de l’automne 1939.

Durant la Seconde guerre mondiale, il maintient son activité malgré la difficulté à se procurer les matériaux nécessaires à l’expédition des tableaux exposés dans les salons et les galeries. Au même moment, sa santé décline. Elle s’aggrave avec le décès de sa femme en 1945. Le 19 novembre 1948, Henry Grosjean meurt à l’âge de 84 ans. Il est inhumé à Coligny (01).


Un maître du dessin et un coloriste virtuose

Henry Grosjean peignant sur le motif au-dessus de la cité du barrage (jpg - 74 Ko)

Henry Grosjean peignant sur le motif au-dessus de la cité du barrage

Elève à l’École des beaux-arts de Paris (1885 –1892) et à l’Académie Jullian (1889-1894), Henry Grosjean reçoit l’enseignement d’illustres maîtres de la peinture académique : Gustave Boulanger, Jules Lefebvre, Benjamin Constant et Tony Robert-Fleury.
Ses qualités techniques sont reconnues par l’attribution de récompenses aux concours « de composition », « d’anatomie » et de « figures dessinées, spécialité nature ».  Doté d’une « science du dessin que peu de coloriste possède », son talent s’exprime exclusivement dans la peinture de paysage.

À l’instar des impressionnistes qui l’ont prédécédé et dans la lignée des peintres de l’Ecole lyonnaise, il « peint sur le motif ». Œuvrant en pleine nature, il croque des points de vue annoté de numéros servant d’aide-mémoire pour les couleurs. Il travaille ensuite en atelier, au pastel, parfois rehaussé de gouache, ou à l’huile sur toile. Parfois, il peint un même lieu à différentes saisons comme le fit Monet.


La Bresse comme muse

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Lac du Jura, Henry Grosjean

Ses œuvres de jeunesse ont pour sujet les paysages de la région parisienne. Après son mariage et jusqu’à ses derniers jours, les paysages de l’Ain et du Jura constituent son sujet favori. En compagnie de son âne Pandore portant le matériel de peinture, il sillonne cette région qui répond « exactement à son idéal d’artistes avec ses lignes souples et sobres, son charme sans fadeur, sa tendresse un peu austère ».

Ses lieux d’inspiration sont néanmoins variés. À partir de 1930, lors de voyages à vocation touristique, parfois artistique, il peint la Lorraine, la Bourgogne, les Alpes, la Côte d’Azur et l’Espagne. « La diversité et la qualité de ses ciels » étonne ses contemporains ; « la puissance  et le charme » de ses compositions dénuées de présence humaine et animale pour mieux représenter « l’essentiel » suscite l’admiration de ses pairs.


Le rôle d’Henry Grosjean dans les réseaux artistiques

Carte d'exposant au Salon des artistes français de 1897 à Paris (jpg - 40 Ko)

Carte d'exposant « rigoureusement personnelle » au Salon des artistes français de 1897 à Paris

La carrière d’Henry Grosjean est représentative du contexte artistique mouvementé de renouvellement des réseaux du marché de l’art ( apparition de salons concurrents, demande des collectionneurs croissante, multiplication des galeries de marchands d’art). Néanmoins, le « salon » reste une référence pour les peintres et le public. Il influence les acheteurs et accroissent la légitimité des artistes promus.

Le paysagiste joue avec la multiplication des réseaux de diffusion de l’art. Il profite des relais officiels reconnus, les salons parisiens et provinciaux gérés par des sociétés d’artistes. Il sait aussi se rattacher aux réseaux plus privés et commerciaux, les marchands d’art et leurs galeries.

Il est également sollicité pour des expositions à l’étranger, des expositions internationales, de groupes d’artistes, des musées... Henry Grosjean est un peintre de plus en plus en vue à partir des années 1910 puis 1920. Il ne cesse de produire et d’exposer jusque dans ses dernières années. Peintre réservé, fuyant les mondanités, Henry Grosjean est bien inséré dans les réseaux artistiques.


Un peintre de l’Ain

Clocher de Coligny au printemps, Henry Grosjean, huile sur toile (jpg - 43 Ko)

Clocher de Coligny au printemps, Henry Grosjean, huile sur toile

À la faveur de son mariage, Grosjean entre dans le cercle des peintres de l’Ain et notamment des peintres de paysages. Outre leur amitié, les paysagistes de l’Ain ont en commun le goût de la peinture sur motif. Grosjean entretient une relation toute particulière avec deux d’entre eux : Gabriel Blétel et Louis Jourdan, le peintre de la Dombes.

Henry Grosjean côtoie aussi dans plusieurs expositions un proche de Louis Jourdan, le paysagiste Jules Migonney, originaire de Bourg-en-Bresse. Il entretient des affinités avec de nombreux peintres paysagistes de la fin du 19e siècle, tels que les lyonnais Eugène Villon ou Victor Charreton. Lyon est aussi un lieu d’exposition pour les peintres de l’Ain qui ne possèdent pas le cadre d’une école de peinture ou de dessin.



À voir aussi dans ce site

En 2012, le musée de la Bresse-Domaine des Planons a consacré une exposition temporaire à Henry Grosjean.

Découvrez l'exposition

À lire

Henry Grosjean (1864-1948). De Paris à la Bresse, Delphine Cano (dir.), Aurélie Faivre, Julie Voinson, édition du Conseil départemental, 2012
Edition à découvrir