Identité culturelle du Revermont

Entre Bresse et Bugey, le Revermont couvre de son drapé montagneux le centre du département de l’Ain. Bugiste par le relief et bressan par les découpes administratives, le « revers du mont » nous dévoile ses spécificités et partage ses secrets nés d’un riche passé. Pays de calcaire et d'eau, terroir d'anciens vignobles, terre d'argile et de tradition céramiste, le Revermont cache de nombreux villages de caractère et quelques trésors du patrimoine.

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Carte de l'Ain, détail du Revermont Gravure Lecocq, Barbier et Waltner. Direction des musées départementaux / 95.27.04

Terre de convoitises et de légendes

Province lyonnaise lors de la paix gallo-romaine, le Revermont devient territoire burgonde au bas Moyen-Âge. À partir du 10e siècle, le Revermont est fief seigneurial des sires de Coligny puis, en 1289, il devient la possession des comtes de Savoie. En 1601, alors que la Bresse et le Bugey sont rattachés à la France, le Revermont demeure une zone de frontière revendiquée par la Franche-Comté jusqu’en 1678, date à laquelle celle-ci est rattachée au royaume de France. Finalement, annexé aux pays de l’Ain par la constitution de 1789, le Revermont partage depuis l’histoire commune et durable du département de l’Ain.

Terre de légende : Mont-Myon, Mont Châtel et Montfort correspondraient à trois coups de bottes donnés par Gargantua pour sauver les habitants de Pressiat des attaques incessantes franc-comtoises.


Terre de vignes

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Carte postale - Les vignes à Cuisiat au début du 20e siècle

La côtière du Revermont présentait autrefois un vignoble dont l'étendue était comparable à celle du Mâconnais ou du Beaujolais. Au 15e siècle, les ducs de Savoie interdisent l'entrée des vins de Mâcon à Bourg-en-Bresse et aux environs. Les Revermontois, assurés alors d'un débouché permanent, créent un vignoble orienté vers une production de quantité et de faible degré. Le gueuche, cépage emblématique du Revermont, permet de produire le traditionnel «petit vin» consommé en Bresse.
Avant la crise du phylloxéra, l'arrivée des vins du Midi condamne déjà le vignoble revermontois : ce vin de faible qualité n’est plus au goût de la clientèle.

Lait sur vin, coeur chagrin. Vin sur lait, cœur gai
Le vignoble revermontois est frappé à mort entre 1873 et 1891. Le phylloxéra, maladie mortelle de la vigne, remonte la vallée du Rhône et atteint Cuisiat, premier vignoble du Revermont touché. Après une période d'incrédulité, face à la gravité du fléau et à sa progression inexorable, les énergies se mobilisent. Parmi les remèdes : « noyer » les vignes, traiter au sulfure de carbone, allumer des feux, ébouillanter les pieds, répandre du lait de chaux, du verre pilé, pisser dessus...

Les cavets sont ruinés. Les grandes propriétés bourgeoises sont démembrées. Certains choisissent une reconversion et se tournent vers la production laitière. La fruitière (association de paysans éleveurs qui s’unissent pour fabriquer et vendre du fromage) devient le nouveau centre de la vie sociale. Une poignée de jeunes viticulteurs replantent. Aujourd’hui, les vignerons de Ceyzériat, Journans, Gravelles et Saint-Martin-du-Mont vendent leur production sous l’appellation "Vin du Bugey".

Quelques anciens "murgers", murs de pierres sèches qui balisent le paysage, demeurent les derniers témoignages de l’ancien vignoble. La pierre présente en abondance sur les coteaux est le matériau de prédilection des maisons aux toitures couvertes de tuiles creuses. Voûtées, enterrées, à deux niveaux parfois dans les villages en pente, de plain-pied ailleurs mais toujours sous la "majon" (local d'habitation), les caves participent de l’identité architecturale du Revermont.

Découvrez l'exposition « Vignes et Cavets » du musée du Revermont


Terres d'argile et de création

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Pique-fleurs, faïence de Meillonnas

Les argiles et les marnes calcaires d’une qualité exceptionnelle sont utilisées depuis le Moyen-Âge pour fabriquer carrons, terre vernissée, faïence et grès. Les gisements de terres exploitées sont dispersés sur la commune de Meillonnas et aux alentours.

Dans cet environnement favorable à la production de céramique, chaque hameau a sa spécialité : la terre vernissée à La Raza et aux Tupinières, sur le gisement d'argile réfractaire, et la faïence à Meillonnas, plus proche de la carrière de marne.

« Il y a plus de 800 ans que les poteries de Meillonnas fournissent de terre à feu le tier du royaume et même la Suisse et la Savoye (...) Il ne paroit pas qu’on ait jamais cherché à faire d’autre employ de ces terres qu’en potterie et le seigneur actuel de Meillonnas a le premier tenté de les employer en fayance... »
Ainsi commence le premier Mémoire de Monsieur de Marron de Meillonnas, daté de 1761.

En 1760, le baron Marron de Meillonnas crée dans son château, une « manufacture en fayence » dont la production a joui d'un grand prestige à travers l'Europe, égalant les centres les plus réputés pour ses luxueuses créations de petit feu ou son importante production de grand feu. Cette manufacture a fait la renommée du village de Meillonnas et du Revermont.


Terre d'accueil pour les enfants

Carte postale - Crèche de l'hospice de la Charité à Bourg-en-Bresse (début 20e siècle) (jpg - 776 Ko)

Carte postale - Crèche de l'hospice de la Charité à Bourg-en-Bresse (début 20e siècle)

La misère de la classe populaire, « la honte des filles mères » et leur douloureux statut entraînent un flot d’abandons d’enfants jusqu’au début du 20e siècle. Le décret de 1811 prévoit qu’un hospice par arrondissement reçoive désormais les enfants trouvés.

90 % des enfants abandonnés dans les hospices de Bourg-en-Bresse ou de Lyon sont placés dans le Revermont et le Bugey. Ce sont les villages les plus pauvres qui accueillent les enfants trouvés. Dans la vallée du Suran, où l'on pratique polyculture et élevage, région plus pauvre que la côtière avec son vignoble, le nourriciat est une ressource  complémentaire. De plus, ces enfants deviennent, dès huit ans, une main-d’œuvre appréciée, capable de rembourser leur nourriture et leur entretien par leur travail.

 

Découvrez l'exposition « être enfant en Revermont » du musée du Revermont



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Les mots à comprendre

Blanc de Bresse : le fameux « Blanc de Bresse » est une terre très siliceuse, rendue liquide et utilisée pour l’engobe ou enduit supportant le décor des céramiques.

Carrons : terme local désignant les briques et les carreaux de terre cuite d'environ 13 x 26 cm. Ils sont utilisés dans les bâtiments bressans et savoyards en ossature d'angle des murs, sur les sols des rez-de-chaussée des fermes et aux étages des manoirs.

Cavets : les Revermontois se font volontiers appeler « cavets », nom évocateur du temps passé à élever le vin.

Marne : mélange naturel d'argile et de calcaire (glaise).

Petit feu / grand feu : dans la faïence de petit feu, la peinture du décor coloré est appliquée sur l'émail cuit, ce qui permet une plus grande variété de nuance de couleurs que dans la faïence de grand feu, pour laquelle la peinture est appliquée directement sur l'émail cru.