La faïence de Meillonnas

Exclusivement fabriqués dans le Revermont, à Meillonnas (01), la faïence du même nom se caractérise par un décor délicat et fleuri

Depuis fort longtemps, le village de Meillonnas est associé à une tradition de fabrication de céramique : à la fin du 16e siècle une terre vernissée de qualité, le « service vert », est déjà  diffusé dans toute la région et au-delà de Lyon. En 1760 la famille Marron fonde sa manufacture de faïences dans leur château. De la faïence à la céramique vernissée, la manufacture de Meillonnas a apporté une contribution riche et variée à l'approvisionnement en céramique de la région lyonnaise et du Dauphiné, du milieu du 18e à la fin du 19e siècles. 

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Fontaine en faïence de Meillonnas

Histoire d'une manufacture

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Faïences de Meillonnas

Vers 1760, le baron de Meillonnas, animé par l’esprit d’entreprise des nobles provinciaux de son époque et sans doute encouragé par la qualité de la terre de son village utilisée depuis le Moyen Âge, crée une faïencerie dans son château. Il en confie rapidement la direction au franc-comtois Claude Gautherot. Il utilise la technique du grand feu et contribue à la création d’une véritable manufacture. L’arrivée du peintre Protais Pidoux ouvre la période la plus prestigieuse de la production - entre 1763 et 1766 - avec les splendides pièces peintes au réverbère, dit « au petit feu ». Cette faïence aristocratique est produite par des artisans venus de toutes les grandes fabriques françaises, comme Strasbourg ou Aprey. C’est à cette époque que l’on agrandit la faïencerie. Il y a désormais une douzaine d’ouvriers qualifiés, contre six en 1764.

Quand le baron et la baronne quittent le village pour s’installer dans leur nouvel hôtel particulier à Bourg-en-Bresse, ils afferment la faïencerie à Joseph Augustin Maurel, originaire de Moustiers, puis à son frère Honoré Maurel, de 1772 à 1815. La production s’oriente alors vers des objets de consommation courante. Plus modeste en qualité, elle est assurée par une équipe d’artisans locaux peu nombreux mais fidèles à leur entreprise.

La Révolution n'interrompt la marche de la faïencerie que pendant deux ans. Au 19e siècle, de nouvelles techniques sont expérimentées comme la faïence brune, la terre de pipe, le grès et la porcelaine. La production est diversifiée, de nature plus industrielle, mieux adaptée aux nouveaux marchés. Toutefois, les petits-fils du baron, qui n’ont pas les mêmes qualités de gestionnaire que leur grand-père, doivent vendre le château et la manufacture en 1839 à Pascal Antoine Bouvier, alors régisseur de la fabrique.

Après la mort du dernier peintre en 1845, Georges Laurent Raymond, la fabrique abandonne la faïence mais continue à produire jusqu’aux environs de 1870 des grès et de la terre vernissée.


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Détail, fontaine motif joueur de biniou, faïence de Meillonnas grand feu, ère des Maurel (1772-1814)


COMMERCIALISATION ET DIFFUSION

Une bonne partie de la faïence est enlevée par des marchands locaux au rythme presque régulier d’une fois par mois et par fournée. Lors des premières décennies de fonctionnement, la réputation de la faïence de Meillonnas dépasse largement le cadre local, mais par la suite cette réputation est quelque peu réduite à la région et à ses environs immédiats. Ainsi en 1808, la statistique départementale signale que la plus grande partie se débite à Mâcon. Le reste fournit à la consommation de la ville de Bourg et ses environs.

Dans les années 1805-1818, sur les 75 marchands de faïence qui sont des clients réguliers de la manufacture, 61 viennent de l’Ain, 5 du Jura et 8 de Saône-et-Loire. Si la faïencerie au début du 19e siècle a une clientèle surtout régionale, elle couvre pratiquement tous les points de vente de la région.

La fabrication de la faïence et notamment en terre à feu, dont la bonne qualité était connue dans les départements du Rhône, Saône-et-Loire, Jura, Isère, Genève et dans le royaume de Savoie, a une réputation bourgeoise qui correspond bien somme toute à l’esprit de la fabrique.

Dans la classe moyenne, jusque vers la fin du 18e siècle, la faïence est un produit de consommation relativement courant, mais pas forcément d’utilisation quotidienne. Si les bourgeois, commerçants constituent l’essentiel de la clientèle, chez les gens plus modestes, on en achète aussi mais moins souvent et on la considère comme un bien plus précieux qui ne sert que dans les grandes occasions.

Au début du 19e siècle et, de plus en plus nettement, la faïence devient un objet d’utilisation quotidienne dans toutes les couches de la société. Vers 1817, les ouvriers de la fabrique emportent régulièrement des pièces, dont le prix est déduit de leur salaire.


Ses caractéristiques

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Rose manganèse, faïence de Meillonnas

La renommée des faïences de Meillonnas vient de leurs décors extraordinaires dits « de petit feu » et « grand feu ». Le premier nécessite trois cuissons dont la dernière fixe le décor, ce qui permet une palette de couleur très étendue : jaune ocre, bleu-vert, violet manganèse, rose ou pourpre de cassius, appelé aussi or pourpre (mélange de trichlorure d’or et d’étain). Pour la technique du grand feu, l’émail et le décor sont cuits ensemble ce qui limite le nombre de couleurs : bleu pâle, vert, jaune ocré, violet manganèse.

La rose dite manganèse, souvent représentée sur de nombreuses pièces, est un des symboles de la faïence de Meillonnas.

La terre servant à la fabrication des pièces est issue de la carrière du champ Buidon, au hameau de La Raza à Meillonnas. Elle a été extraite jusqu'en 1989. Cette terre est réputée pour sa pureté et sa plasticité ce qui permet de réaliser de nombreux styles de céramique.


Zoom sur les dernières acquisitions

Fin 2018, le Département de l'Ain a acquis un ensemble de faïence de Meillonnas provenant du fonds de Jean Rosen, directeur de recherche émérite au CNRS. Il vient enrichir la collection départementale qui compte déjà plus de 500 pièces. Ces nouvelles pièces sont extraordinaires par leur rareté de formes ou de couleur. 

En 2019, la direction des musées a présenté une vingtaine de ces pièces dans l'exposition temporaire "L'Ain au menu. Un art de la gastronomie" au musée de la Bresse-Domaine des Planons.

Pour l'occasion, le musée a proposé le 30 juin 2019 une conférence sur la faïence de Meillonnas par Jean Rosen lui-même. Cette conférence a été filmée et traduite en LSF (langue des Signes française).



Le mots à comprendre

Grès : terre glaise mélée de sable fin dont sont faites les poteries.

Porcelaine : matière translucide, imperméable, utilisée en céramique fine.

À voir aussi dans ce site

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Le musée du Revermont présente dans son exposition permanente pièces des faïences de Meillonnas, l'histoire de cette fabrique et les secrets de fabrication

Objets en Faïence de Meillonnas

Ailleurs sur le web

À lire sur la faïence de Meillonnas

La manufacture de Meillonnas, Ain, étude d'une fabrique de céramique régionale, 1760-1870, Jean Rosen. Édition Montagnac - M. Mergoil, 2000

La faïence de Meillonnas, 1760-1845 [exposition, Musée de Brou, Bourg-en-Bresse, 23 avril-5 septembre 1993, Musée national de la céramique, Sèvres, 28 septembre 1993-3 janvier 1994], Musée de Brou. Bourg-en-Bresse, Jean Rosen. Édition A. Biro ; Musée de Brou, 1993