L'horlogerie du 18e siècle à Bourg et Ferney

En 1766, la manufacture d'horlogerie de Bourg-en-Bresse obtient le titre de manufacture royale, tout comme celle de Ferney dirigée par Voltaire. A Pont-de-Vaux, Antoine Morand est nommé horloger du roi en 1706. En 1765 le même honneur est décerné à Antoine Lépine de Challex. Le 18e siècle voit se développer une production horlogère d'exception dans l'Ain.

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La manufacture royale d’horlogerie de Bourg-en-Bresse

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Montre "Manufacture Royale, Jean Bruno Savarin à Bourg"

Les frères Adrien et Guillaume Castel, descendants d'horlogers de Cologne, installent en 1763 une fabrique à Bourg-en-Bresse pour concurrencer la production génoise, et y adjoignent une école d'horlogerie. Leur affaire obtient rapidement une grande notoriété en France. Dès 1766 leur entreprise acquiert le statut de manufacture royale, les ouvriers sont ainsi dispensés de payer la taille.

L'atelier était situé à l'emplacement de l'actuelle chambre de commerce et d'industrie de l'Ain, 1 rue Joseph Bernier. Aux fondateurs Castel, s’associent d’excellents maîtres bressans tels les frères Goyffon de Ceyzériat et le sieur Berthod qui imaginent des outils et machines modernes. Cependant dès 1770 la concurrence de l'horlogerie suisse et gessienne va inexorablement entraîner la fermeture de la manufacture royale en 1776. Les frères Castel ont eu une production luxueuse mais restreinte. La brièveté de l’activité de la manufacture qui cesse en 1776 est imputée au coût de la main-d’œuvre comparativement plus élevé à Bourg-en-Bresse qu’à Genève à la même époque.


Lorsque Voltaire voulait « enseigner l'heure à l'Europe »

"Enseigner l'heure à l'Europe" : c'est le défi que relève Voltaire en contribuant activement au développement de l'horlogerie à Ferney de 1770 à 1778. Bailleur de fonds, il prête de l'argent sans intérêt aux natifs émigrés de Genève. Pourvoyeur de logements, fournisseur de matériaux, il approvisionne les horlogers en or. Chef d'entreprise enthousiaste, il encourage les paysans gessiens et jurassiens à abandonner la terre pour l'horlogerie. Ambassadeur d'exception, il met à contribution son réseau de relations pour faire de la « réclame » et placer des montres auprès de la Cour et des ambassades françaises à l’étranger. Les progrès de son industrie sont rapides, la manufacture royale de Ferney emploie cinquante ouvriers.

A côté d'elle, existe cinq autres manufactures. Ferney devient une bourgade de quatre-vingt maisons et mille deux cent habitants. Le développement de cette industrie horlogère suscite de vives inquiétudes à Genève qui voit sa production diminuer d’un cinquième, soit six mille montres pendant cette période. Le savoir-faire du patriarche ne suffira pas pour rivaliser avec l'organisation commerciale et industrielle plusieurs fois séculaire des Genevois qui mettront un terme à la suprématie voltairienne.


Les horlogers du Roi

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Portrait d'Antoine Morand présenté au musée Chintreuil

Antoine Morand, né à Pont-de-Vaux en Bresse le 30 janvier 1674, passionné d'horlogerie, symbolise le parfait autodidacte. En 1706, il réalise une horloge à automates d'exception qu'il offre au roi Louis XIV, ce qui lui vaudra le titre d'horloger du roi. Ce chef d'œuvre orne encore le salon de Mercure à Versailles.


A Challex, à quelques lieues de Ferney, nait jean Antoine Lépine en 1720. A l'âge de 24 ans, il émigre à Paris, son ingéniosité est telle qu'il est reçu maître horloger en 1762. Associé avec Charles-André Carron, père de Beaumarchais, il est nommé horloger du roi en 1765 et meurt en 1814. A la fin du règne de Louis XV, Lépine produit des montres très techniques dont le perfectionnement permet de les affiner, les montres sont plus élégantes. La réputation de l'horloger du roi se propage dans le monde.

Les innovations techniques imaginées par Lépine rendent l'Angleterre tributaire de la France en matière d'horlogerie. Pour les horlogers du Pays de Gex, Jean-Antoine Lépine symbolise la réussite. Son établissement parisien est florissant tout comme son comptoir de Ferney qui fonctionnera jusqu'en 1792. Il y fait fabriquer une partie de ses mouvements. Ainsi Ferney était à l’avant-garde des innovations horlogères.


L'heure solaire de Jérôme Lalande

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Portrait de Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande

Joseph Jérôme Lefançais de Lalande, né à Bourg-en-Bresse le 11 juillet 1732 se distingue par ses travaux d’astronomie ce qui lui vaut d’entrer à l’Académie des Sciences à l’âge de 21 ans. Pour rénover en 1756 l’ancien cadran solaire de Brou, il établit une théorie générale des cadrans solaires horizontaux dits "analématiques". Il adresse en 1757 à l’Académie des Sciences de Paris un mémoire donnant une description sommaire du cadran et la correction qu’il convient d’apporter à sa lecture, tout au long de l’année, pour en déduire l’heure légale à la date de l’observation.

Chargé par l’Académie des Sciences de la Connaissance des Temps, il édite son étude de 1760 à 1775 puis de 1794 à 1807. Il participe également à l’élaboration du calendrier républicain en 1793 aux côtés de Romme, Delambre et Laplace. En 1826, Joseph-Jérôme Lalande offre à son ami Thomas Riboud un cadran solaire polyédrique qui permet de préciser l'heure solaire quelle que soit la position du soleil dans le ciel. La lecture se fait sur l'une ou l'autre face du cadran, selon le moment de la journée. Ce cadran solaire est présenté au Monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse.



A voir aussi dans le site

Les mots à comprendre

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732 -1799) : homme d'affaires français, musicien, poète et dramaturge, il est surtout connu pour ses talents d'écrivain. Formé par son père comme artisan horloger. Compétent, il invente en 1753 un nouveau mécanisme et devient fournisseur de la famille royale. Il abandonne toutefois l'horlogerie. Il est remplacé par Jean-Antoine Lépine dans l'atelier paternel.

A lire sur ce sujet

Histoire de prendre le temps,
A. Bruno et A. Ducaroy. Direction de la conservation départementale, 2004

Lumières sur le XVIIIe siècle, Monastère royal de Brou, IAC Editions d'art, 2013