Parlement de Dombes à Trévoux
Peu de villes françaises sont dotées d’un parlement, et encore moins de la taille de la cité trévoltienne ! Le Parlement de Dombes témoigne du passé singulier de ce petit territoire disposant jusqu’en 1762 de tous les attributs d’un véritable état. Au cœur de la cité, il représente le symbole de l’indépendance et des privilèges de l’ancienne principauté.
Une architecture sobre
Les travaux ont lieu de 1697 à 1703. Le Parlement est un bâtiment rectangulaire en « pierre dorée » provenant de carrières des Monts d’Or voisins, à l’architecture sobre caractéristique de la région lyonnaise. Seule la porte d’entrée, encadrée par deux pilastres ioniques et une frise à l’antique, présente un caractère plus monumental. On y accède par un escalier extérieur à montées convergentes. L'intérieur sera remanié entre 1817 et 1830, date de la construction du grand escalier intérieur.
L’édifice construit hors des murs de la cité médiévale, marque une extension du bâti vers l’est de la ville. Plusieurs hôtels particuliers sont construits dans ce quartier, le duc du Maine ayant assigné les magistrats à résider obligatoirement à Trévoux.
Le Parlement est inscrit au titre des monuments historiques depuis le 28 février 2006.
Un Parlement en Dombes
En 1523, François 1er, roi de France, confisque la Dombes aux ducs de Bourbon. Cependant, il ne la rattache pas à son royaume et institue un "Conseil" qui siège à Lyon pour l’administrer. François II rendra ces terres aux Bourbon en 1560 qui l’érigent alors en petit état, d’abord "pays", puis "souveraineté" et enfin "principauté" de Dombes. Le Conseil, institué par François 1er, devient alors Parlement de Dombes et est transféré à Trévoux en 1696 sur ordonnance du duc du Maine, prince de Dombes. Le Parlement de Dombes occupe une place originale dans l’histoire institutionnelle de la France, du Moyen-Age à la Révolution : il a été royal de 1523 à 1560, princier de 1561 à 1762, puis de nouveau royal, avant d’être supprimé en 1771 et rattaché à celui de Bourgogne. L'édifice deviendra Hôtel de l'Intendance, puis, sous le premier Empire, Sous-préfecture et Palais de justice, la gendarmerie occupant les dépendances.
Comme les treize autres parlements de France de cette époque, il avait une fonction judiciaire et des attributions administratives, mais aussi un rôle politique. Les conseillers du Parlement revêtus de robes noires pour les séances ordinaires, rouges bordées d’hermine pour les séances extraordinaires, ont siégé dans cette haute et vaste salle. Ils ont rendu aux habitants la justice en appel selon la législation du droit romain en usage dans le pays de Dombes au 18e siècle. Ils ont enregistré les lois des souverains de Dombes, en usant du droit de remontrances. Ils ont aussi administré et réglementé ce territoire dans lequel ils devaient maintenir la justice et la paix.
Aujourd’hui propriété du Département, le Parlement est le siège du tribunal d’instance et abrite, à l’étage, les services fiscaux. Sa salle d’audience, toujours en usage, a conservé son aspect d’origine.
Un décor intérieur exubérant
L'œuvre réalisée en 1698, est signée par le peintre Pierre-Paul Sevin, peintre et dessinateur de Tournon en Vivarais (1650-1710 ?). Masqué à la Révolution, le décor a été restauré en 1959, en 1984 et en 2009. L’ensemble des peintures des murs et du plafond de la salle d’audience est classé au titre des monuments historiques depuis 1920.
Le décor des élévations de la salle est dans l'ensemble fidèle au prix-fait du 2 octobre 1698, qui précise la technique à employer pour les peintures murales, avant de donner la composition générale du décor : les quatre murs de la salle seront peints comme à fresque, avec un ordre d'architecture en trompe l'œil qui régnera tout autour, en faux marbre blanc, garni de pilastres en faux porphyre veiné, aux chapiteaux de couleur or composés de symboles, les frises agrémentées de fleurs de lys et d'ornements en rapport avec l'idée de la justice, de la guerre et de la paix ; les pilastres seront disposés en fonction des poutres, des ouvertures et des angles de la pièce, et les pans de mur qu'ils délimitent ornés aux armes du duc du Maine, prince souverain de Dombes. Au-dessus des portes, des bas-reliefs feints, en camaïeu de couleur rehaussés d'or, contiendront des scènes historiées relatives au thème constant, l'auteur étant libre de leur choix. Enfin, un tableau du Christ en croix, peint à l'huile sur toile, placé au centre du mur principal, au-dessus des sièges des magistrats, parachèvera le décor.
Le programme iconographique de la salle d’audience est axé sur l’idée centrale de la Justice et de la Paix. Ce décor rappel aux conseillers du Parlement leur double devoir : être juge et gardien de la paix publique. Il fait référence au registre de la justice divine qui permet de maintenir la paix, avec la représentation des Tables de la Loi portant les dix commandements donnés par Dieu à Moïse. Si le décor des murs est relativement sobre, le plafond foisonne de détails, de symboles et d’allégories multiples, chers à l'époque de Louis XIV. Toutes ces peintures sont traitées dans un style décoratif d'ornemaniste, caractéristique de l'art de Pierre-Paul Sevin.
La travée centrale réunit la justice, la paix et le souverain représenté en héros mythologique : Mars, dieu guerrier, mais aussi dieu sans armes, donc pacifique. Les nombreuses armes, en particulier les canons figurés sur la poutre, rappellent que le duc du Maine est Grand maître de l’artillerie de France. Le sigle SPQD que l’on peut lire de part et d’autre de l’image de Mars signifie en latin "le sénat et le peuple de Dombes". Sur les poutres, l’alliance de la justice et de la paix protège les arts figurés sous la forme d’instruments de musique, de fleurs et de couronnes.