Les « Mères » de l'Ain

La volaille demi-deuil de la Mère Filloux, les cardons à la moelle de la Mère Guy, les poulets de Bresse façon Élisa Blanc… Autant de recettes transmises par les cuisinières de la région affectueusement surnommées les « Mères ». Ces femmes chefs ont largement contribué à la renommée gastronomique de leur région au tournant du 20siècle. Leur succès repose sur une cuisine bourgeoise exécutée au quotidien.

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Les femmes sur l'avant-scène gastronomique hier et aujourd'hui

Frise des Mères. Exposition « Toqués de cuisine » - Musée de la Bresse-Domaine des Planons (jpg - 126 Ko)

Frise des Mères. Exposition « Toqués de cuisine » - Musée de la Bresse-Domaine des Planons / Saint-Cyr/Menthon, 2008

Au 19e siècle, les cuisinières de la bourgeoisie, surnommées les « Mères » lyonnaises, quittent leur maison pour se mettre à leur compte donnant ainsi naissance à des traditions culinaires toujours vivaces et à la réputation gastronomique de Lyon. L'Ain, département voisin, est lui aussi réputé pour sa gastronomie, ses produits AOC et AOP dont, sa fameuse volaille de Bresse, et ses « mères » emblématiques.

La cuisine de ces mères se caractérise par sa simplicité et une exigence dans la sélection des produits. Curnonsky, le « prince des gastronomes », disait que leur cuisine « a atteint tout naturellement ce degré suprême de l'art, la simplicité ».

Cette cuisine est dite aujourd'hui de terroir.


Eugénie Brazier dit « La mère BRAZIER »

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Statuette de la mère Brazier, par KIKI

Née le 12 juin 1895 dans le village bressan de La Tranclière (01), Eugénie Brazier est l’une des illustres Mères qui marque la gastronomie française au 20e siècle.

À l’âge de 10 ans, suite au décès de sa mère, elle travaille dans des fermes. À 19 ans, devenue fille-mère, elle quitte la Bresse pour s’installer à Lyon. Elle occupe la fonction de chargée de cuisine pour la famille bourgeoise lyonnaise Milliat. En 1915, par l’intermédiaire de cette dernière qui est bonne cliente du restaurant de la Mère Fillioux, elle débute son apprentissage chez cette Mère lyonnaise réputée pour sa « volaille truffée demi-deuil » dont le secret résiderait dans la quinzaine de poulardes cuites en même temps.

En 1921, dotée d’un capital, elle acquiert un local au 12 rue Royale du 1er arrondissement de Lyon pour créer son propre bouchon lyonnais. En 1929, elle achète un bâtiment dénué de gaz et d’électricité au Col de la Luère situé à proximité de Lyon. Elle ouvre ainsi son second restaurant où Paul Bocuse sera commis de cuisine durant trois années à partir de 1946. Des menus simples et une haute qualité des produits caractérisent sa cuisine. Ses « fonds d’artichaut périgourdine », « quenelles au gratin », « volaille demi-deuil », « galette bressane » marquent les palais et les mémoires. Saluée par les éminents gastronomes Curnonsky et Marcel Rouff, elle accueille de nombreuses personnalités politiques et artistiques. En 1933, elle est consacrée par 3 étoiles au Guide Michelin pour chacun de ses deux restaurants.

Décédée le 2 mars 1977, elle est inhumée au cimetière du Mas Rillier à Miribel dans l’Ain. Héritière de la cuisine de la Mère Filioux, son fils Gaston et sa petite-fille Jacotte Brazier entretiennent cet héritage en dirigeant le restaurant qui porte son nom. En 2008, l’établissement est repris par le chef Mathieu Viannay qui revisite les classiques de cette maison tout en conservant les recettes emblématiques et a obtenu deux étoiles. Non loin du restaurant gastronomique, une rue porte le nom Eugénie Brazier tandis que le prix Eugénier Brazier récompense les ouvrages de cuisine rédigés par des femmes ou traitant de la cuisine réalisée par des femmes.


Élisa Blanc dit « La mère Blanc »

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Élisa Blanc

Élisa Blanc est l’une des autres Mères marquant la gastronomie française du 20e siècle.

Élisa Gervais naît en 1883 à Polliat (01), commune située en Bresse à quelques kilomètres de Vonnas. Mariée à Adolphe Blanc, elle débute sa carrière en 1902 dans les cuisines de l’auberge familiale Blanc en succédant à sa belle-mère Virginie Blanc dont les soupes et les plats simples, mais savoureux, préparés dans l’auberge implantée à proximité du champ de foire, acquise avec son mari Jean-Louis Blanc venu s’installer à Vonnas en 1872, faisaient la joie des coquetiers. Ces derniers ne tarissaient pas d’éloges cette cuisine qu’ils consommaient les jours de marché et qui contribuèrent à forger la notoriété de la Maison Blanc. 

Héritière d’un savoir-faire et passionnée, la Mère Blanc continue de proposer une cuisine de terroir simple élaborée à partir de produits de pays, frais et de qualité. Durant l’entre-deux guerres, dans un contexte où la pratique du tourisme est en plein essor, favorisée par l’expansion des moyens de locomotion que sont le chemin de fer et l’automobile, à une période où les guides orientant vers les bonnes tables apparaissent, familles, groupes d’amis et personnalités, telles qu’Edouard Herriot, viennent de plus en plus nombreux pour déguster, entre autres, le poulet de Bresse à la crème, les cuisses de grenouilles des Dombes aux herbes ou encore les crêpes vonnassiennes.

Sa cuisine est portée aux nues avec l’attribution d’une première étoile en 1929, puis d’une seconde en 1931, tandis que le célèbre gastronome Curnonsky la nomme « la meilleure cuisinière du monde » en 1933. En 1934, son fils aîné, Jean Blanc et son épouse Paulette reprennent l’établissement dans lequel Georges Blanc, enfant, fait son premier apprentissage aux côtés de sa grand-mère et de sa mère.

S’inscrivant dans cette lignée et fort de sa devise « sans passion, point d’élévation », Georges Blanc a fait de l’auberge le point de départ de l’onirique « Village Blanc », de ses racines un moteur pour promouvoir la Bresse et sa volaille, de la simplicité la base d’un accueil chaleureux fait à une clientèle aussi prestigieuse que modeste et le fondement d’une cuisine gastronomique élaborée au fil des saisons récompensée par trois étoiles en 1981 et plébiscitée dans le monde entier.


Cet article a été élaboré à partir de l’ouvrage, Georges Blanc, La vie en blanc, GSL éditions, Saint-Julien-sur-Veyle, 2008.


La Mère Bizolon

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La mère Bizollon, décorée de la Légion d'honneur

Bressane née Clotilde Thévenet le 20 janvier 1871 à Coligny, dans l'Ain, et morte le 3 mars 1940 à Lyon, Clothilde Bizolon, dite la mère Bizolon, est une personnalité lyonnaise qui consacra une partie de sa vie au soutien des soldats de la Première guerre mondiale.

Tenant son comptoir exposé à tous les vents, cette femme remarquable, décorée de la Légion d'honneur, est l'une des trois « Mères » les plus renommées de Lyon, avec la Mère Fillioux et la Mère Brazier.

Après la mort de son mari, puis de son fils Georges en 1915, elle créée près de la gare de Perrache à Lyon une buvette de plein air qui accueille les soldats . Elle leur sert du café, du vin et leur prodigue encouragements et réconfort. Très populaire, elle est alors nommée par les Lyonnais " la maman des poilu" et par les soldats "La Madelon" qu'ils lui chantent pour la remercier de sa générosité.

Après la fin du conflit, elle ouvre un modeste bouchon lyonnais. Sa cantine improvisée offre un art culinaire simple. Sa cuisine sera incarnée par "Le déjeuner du soldat" et sa buvette légendaire l'a fait entrer dans l'Histoire des mères lyonnaises.



Les mots à comprendre

Bouchon : petit restaurant typique de la région de Lyon où l’on mange des spécialités, notamment des quenelles, du tablier de sapeur (ou tablier de Gnafron) et de la cervelle de canut (fromage).

Coquetier : marchand d'œufs et de volailles en gros.

À voir aussi dans ce site

Le Domaine des  saveurs - Les Planons et ses collections sur la gastronomie

La volaille de Bresse, reine des volailles

Venir au Domaine

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