Calendrier et dieu gaulois de Coligny

Découverts fortuitement en 1897 par un agriculteur dans un champ proche du bourg de Coligny, les restes d'une curieuse plaque de bronze et d'une statue de divinité ont révolutionné la connaissance de la culture et de la langue gauloises. Exemplaire resté unique daté du 2e siècle de notre ère, le calendrier est un vestige exceptionnel montrant la persistance des traditions indigènes dans notre région, malgré la romanisation de la Gaule.

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Calendrier de Coligny (détail)

Une découverte exceptionnelle

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Statue en bronze dit" "Dieu de Coligny" (copie exposée en mairie)

Novembre 1897 : Alphonse Roux, cultivateur à Coligny dans le Revermont, découvre dans un champ proche de la voie romaine Lyon-Besançon (Lugdunum-Vesontiode très nombreux fragments métalliques enfouis à une trentaine de centimètres sous terre. La trouvaille ressemble au contenu d'une hotte dont les fibres auraient été dissoutes par le temps.

Un premier travail d’assemblage est mené par Paul Dissard, alors conservateur des Musées de Lyon qui en font l'acquisition. Il révèle qu’il s’agit de deux objets distincts :

- une statue gallo-romaine d'1,70 mètre, fondue entre la fin du 1er siècle avant Jésus-Christ et le début du 2e siècle après Jésus-Christ (environ 400 fragments),

- un calendrier gravé sur une grande plaque de bronze dont il manque environ la moitié une fois la reconstitution achevée.

La statue en bronze représente un dieu nu, glabre et chevelu, levant une main droite qui tenait peut-être une lance. Il est encore aujourd'hui très délicat d'attribuer un nom à cette divinité. Les belles proportions de son corps ont pu inciter à l'identifier à Apollon. A l'époque de sa découverte, un hypothétique casque disparu le rapprocha plutôt de Mars, possible équivalent du celtique Lug, divinité éponyme de la ville de Lyon.

Quant au calendrier, il a été retrouvé cassé en 149 fragments, dont 126 comportent des inscriptions, tous issus d'une grande plaque de bronze et de son cadre. L'ensemble reconstitué, bien que très lacunaire, mesure 1,48 mètre sur 0,90 mètre. Il porte la plus longue inscription en langue gauloise connue à ce jour.

Des fouilles complémentaires menées sur les lieux de la trouvaille n'ont pas permis de retrouver d'autres fragments ou éléments archéologiques significatifs. La zone a été classée pour sa protection. 

Quelques autres fragments d'un calendrier en langue gauloise comparable sont connus au lac d'Antre à Villards-d'Héria (Jura).


Le puzzle reconstitué : un calendrier lunaire complexe

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Présentation scénographiée d'une copie du calendrier gaulois en mairie de Coligny

Une fois reconstitué, le calendrier se présente sous la forme d’un grand tableau de 16 colonnes et 4 lignes par mois (sauf 2 colonnes où apparaissent 3 mois). Il manque 30 mois sur 62. Chaque ligne de notation journalière, gravée manuellement de manière parfois irrégulière, possède un trou qui permettait d’accrocher un marqueur pour repérer le jour courant (probablement une cheville en bois). L’analyse fine des fragments et des notations permet de comprendre que ce calendrier a évolué dans le temps. Il fût réformé, perfectionné, adapté au cours de son existence. 

Le calendrier se déploie sur 5 années consécutives (un lustre), soit 60 mois et 2 mois supplémentaires. Il s'agit sans doute d'une copie d'un exemplaire beaucoup plus ancien. Les datations, établies à partir de la graphie et de l'étude des objets retrouvés autour font remonter cet objet à la fin du 1er siècle - début du 2e siècle après J.-C. 

Dans toutes les civilisations, sur les différents continents, les hommes ont utilisé soit la Lune, soit le Soleil comme base de temps pour élaborer des calendriers. Le système employé par les peuples celtes est à l'origine un calendrier lunaire, faisant alterner les mois de 29 jours qualifiés de MAT (= bon)) et les mois de 29 jours qualifiés de ANIM (=néfaste). Un texte de Pline l'Ancien témoigne du rythme lunaire adopté par les Gaulois : "C'est par la lune que les Gaulois règlent le début de leurs mois et de leurs années et aussi celui du siècle au bout de trente ans." (Histoire naturelle XVI).

Pour rattraper le rythme de l'année solaire et donc les saisons, une correction était nécessaire pour synchroniser ce calendrier lunaire. Alors que les Grecs avaient un mois supplémentaire tous les 8 ans, les Gaulois introduisaient un mois intercalaire tous les deux ans et demi. Dans le calendrier de Coligny, il y en a un au début de la première année et un autre au début de la troisième année. Chaque intercalaire étant précédé de 30 mois normaux, ils sont rappelés par une mention particulière à chaque jour du mois intercalaire.


Des connotations religieuses de tradition celtique

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Le calendrier de Coligny présente un dispositif complexe de comptage du temps

Certaines dates du calendrier devaient correspondre à des phénomènes astronomiques, comme des éclipses ou des conjonctions d'astres, donnant lieu à des fêtes religieuses et des rituels sociaux.

Ces mentions sont très rares sur le calendrier - Lugus, Taran(us) - mais elles révèlent très probablement un héritage de tradition druidique. Les druides gaulois étaient à la fois des prêtres, des savants, des médecins, des astronomes et des éducateurs. Ils sont probablement les concepteurs de ce mode de décompte du temps associé à une forme de guide des fêtes calendaires.

Le calendrier de Coligny montre que l'élite gauloise disposait encore durant le Haut Empire, malgré le processus de romanisation, la maîtrise de leur langue et de leurs connaissances scientifiques. La population locale n'était donc pas devenue totalement romaine...


Consulter d'autres ressources sur le calendrier gaulois



Envie de visiter ?

Les reproductions grandeur nature du calendrier gaulois et du dieu de Coligny sont présentés dans un espace scénographié dans le hall de la mairie. Pour visiter, se renseigner sur les horaires d'ouverture de la mairie

Les originaux sont exposés au musée de la civilisation gallo-romaine de Fourvière à Lyon.

Les mots à comprendre

Glabre : qui ne porte ni barbe, ni moustache ; qui est dépourvu de poils

Apollon : dieu grec du chant, de la musique, de la beauté masculine et de la poésie. Il est également dieu des purifications et de la guérison, mais peut apporter la peste grâce son arc. Il a aussi été honoré par les Romains, qui l'ont adopté sans changer son nom. 

Mars : dieu romain de la guerre, de première importance dans la Rome antique en tant que père de Romulus et de Remus, fondateur et protecteur de la cité.

Eponyme : qui donne son nom à quelque chose

Lac d'Antre à Villards-d'Héria : ce lac situé à 800 mètres d'altitude dans le département du Jura fait partie du sanctuaire de Villards d’Héria, l’un des sites archéologiques gallo-romains majeurs de la région. Ce sanctuaire principal du peuple gaulois des Séquanes était réparti sur deux sites distincts : près du lac d’Antre et à la résurgence des eaux de l’Héria.

Lustre : dans la Rome antique, le lustre (du latin lustrum) désigne la cérémonie de purification précédant les recensements qui avaient lieu tous les cinq ans. Par extension, le lustre désigne une période de cinq ans. Au pluriel, il signifie une longue durée d'où l'expression « Il y a des lustres ».

Pline l'Ancien : écrivain et naturaliste romain (23 - 79 après Jésus-Christ), mort lors de l'éruption du Vésuve près de Pompéi, auteur d'une monumentale encyclopédie de 37 volumes intitulée "Histoire Naturelle", longtemps restée une référence en sciences et en techniques.

Elite : groupe minoriatire de personnes ayant dans une société une place éminente due à des qualités valorisées socialement.

Romanisation : processus d'assimilation, voire d'acculturation, rencontré dans les diverses régions conquises par Rome dans l'Antiquité. Dans ces régions, les peuples indigènes (les Gaulois pour la Gaule) adoptent progressivement le système politique et social, les coutumes et des différentes formes de culture des Romains. Après la conquête (52 avant Jésus-Christ), la civilisation gallo-romaine est donc née du mélange des traditions gauloises et romaines. En matière de religion, les Romains autorisent les cultes gaulois, de tradition celtique, mais rendent obligatoire le culte de l'Empereur.