Un castrum savoyard de montagne, Châteauneuf-en-Valromey

Des recherches archéologiques sont menées sur le site castral, intégrées dans un projet global de sécurisation et de mise en valeur du Patrimoine. Encadrées par l’équipe de l’Atelier d’Archéologie Alpine, les fouilles archéologiques ont livré les vestiges d’un grand bâtiment à l’architecture soignée : le logis du château.

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Vue aérienne du site en 2015. Au premier plan, les vestiges de la cour haute du château.

Un site d’éperon barré

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Dernière maison du bourg. À l’arrière-plan le grand mur bouclier qui barre l’éperon.

Localisé sur la commune de Haut Valromey dans le département de l'Ain, le site a conservé d'imposantes ruines dans un cadre paysager préservé dans les montagnes du Bugey, tout près des gorges du Rhône, entre Genève et Lyon. Dominant la vallée du Séran, le château est implanté sur un éperon barré à 800 mètres d'altitude. Les vestiges les plus visibles sont ceux de l'enceinte et de la tour maîtresse appartenant à la cour haute, ceux d'un groupe de bâtiments traditionnellement interprétés comme des halles et la courtine nord du bourg. Cette dernière fait office de mur bouclier de 135 mètres de long en barrant l'éperon rocheux sur sa partie la plus exposée aux assaillants. Le château, son évolution et son histoire restent mal connus, bien qu'il soit cité dans les textes à partir du milieu du 12e siècle. Le promontoire est aujourd’hui occupé par des prés, mais un village fortifié était habité par 34 familles en 1345, ce qui représente environ 100 à 170 habitants. La dernière maison a été démolie au début du 20e siècle.


Une occupation humaine depuis l’Âge du Bronze

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Carte de la châtellenie de Châteauneuf-en-Valromey au début du 15e siècle.

L’occupation humaine sur le territoire de Songieu remonte au moins à l’Âge du Bronze (autour de 2200 à 800 avant notre ère) : des sépultures ont notamment été fouillées dans les grottes du Pic dans les années 1980. Le promontoire naturel qui porte le château est lui aussi fréquenté à cette période.

Châtellenie fondée au 11e siècle au cœur de la Savoie naissante, elle est un temps administrée par les Beaujeu puis les Savoie-Vaud. Le château, son bourg et le territoire qui en dépend (le « mandement de Châteauneuf-en-Valromey») reviennent complètement à la Savoie dès 1359 jusqu’au rattachement de la Bresse, du Bugey et du pays de Gex au royaume de France en 1601.

Situé sur la paroisse de Songieu, Châteauneuf était le centre administratif, militaire et judiciaire du Valromey, val jurassien d’environ 150 km2. Ce territoire était administré par un châtelain, officier nommé par le comte puis duc de Savoie. Quant au château, même s’il est cité dès 1140, les textes n’évoquent son organisation et son architecture qu’à partir du milieu du 14e siècle. Après plus de 400 ans d’occupation continue, il est en ruines en 1550 et le châtelain doit occuper de nouveaux bâtiments à Hotonnes.


Dégagements des maçonneries et fouilles

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Plan de la cour haute. État des lieux en 2015 ; état des recherches en 2022.

Le site constitue une réserve archéologique avec un fort potentiel malgré son aspect de ruines avancé. Après son abandon, le château a longtemps servi de carrière et s’est peu à peu laissé envahir par la végétation. Plus tard, les vestiges ont fait l’objet d’un entretien puis de dégagements progressifs entre les années 1980 et le début des années 2000 sous la houlette du Cercle Amical de Songieu. Association créée en 1959, le CAS devient propriétaire d’une grande partie du site à partir des années 1990. Plusieurs générations de bénévoles, attachés à la sauvegarde des ruines du château, ont travaillé à leur entretien et à leur mise en valeur avec notamment l’organisation de chantiers de bénévoles internationaux. Les dégagements ont été accompagnés de travaux de consolidation.

Depuis 2015, le site bénéficie d’une approche archéologique mise en regard avec les données des archives médiévales. La comptabilité des châtelains de Châteauneuf, officiers des comtes et des ducs de Savoie, était consignée sur des peaux de parchemin cousues entre elles et assemblées sous forme de rouleaux pouvant atteindre 50 mètres de longueur. 117 rouleaux et registres sont consignés aux Archives départementales de la Côte-d’Or, couvrant la période de 1355 à 1555.

Après un état des lieux complet du site, des fouilles archéologiques et des visites sont organisées chaque été.


Le logis : données archéologiques et historiques

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L’enfilade de pièces du logis, vue depuis la courtine orientale.

Depuis le début des fouilles menées sur le site castral, la cour haute du château est métamorphosée. Les premières investigations ont concerné le dispositif d’accès principal, la tour maîtresse et la défense de la cour haute. Le dégagement d’un grand bâtiment aménagé le long de la courtine sud, dont la physionomie correspond aux descriptions mentionnées dans les archives à partir de 1362, est achevé. L’évacuation des niveaux d’effondrement pouvant atteindre 3 mètres de hauteur a livré un ensemble de structures bien conservé en élévation et une architecture soignée. L’édifice est divisé en trois grandes pièces de 54 à 70 m² et une quatrième plus petite à son extrémité orientale. Les dispositifs de circulation avec la cour et entre les différentes pièces ont été établis pour le rez-de-chaussée et des aménagements internes conservés ou disparus ont pu être identifiés (grenier, niche, placard, fenêtres à coussièges, cheminées…) appartenant au rez-de-chaussée ou à l’étage.

Les sources décrivent quant à elles un ensemble contigu avec pour le rez-de-chaussée une écurie, un cellier, la salle basse et la petite chambre basse localisée à l’est du côté de la falaise. Ces descriptions et le plan du bâtiment dégagé sont cohérents entre eux. Bien que toujours délicat, le rapprochement entre les sources écrites et les vestiges sur le terrain a permis de mettre en évidence, un logis d’une surface utile de 217,5 m² au rez-de-chaussée, soit 435 m² sur deux niveaux, caractéristique de ces grands logis polyvalents dans lesquels sont réunies les fonctions résidentielle et utilitaire.


En quête des indices matériels

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Restitution de différents types de mortiers en pierre à partir de fragments mis au jour.

Désormais, les recherches en cours sont principalement destinées à la fouille fine des niveaux d’occupation des salles du bâtiment et d’une bande devant la façade dans la cour. Les sondages sont implantés dans les différentes pièces du logis et livrent aussi bien des blocs de calcaire ou tuf sculptés que des petits objets qui nous renseignent sur l’architecture et la vie quotidienne.

Les fragments de verre, les tessons de céramique, les morceaux de mortier en pierre ou encore un pied de marmite en métal mis au jour dans la cuisine nous permettent de nous faire une idée claire des éléments et ustensiles utilisés à la période médiévale dans ce château de montagne.