Les constructions provisoires

Dans les communes les plus durement touchées, la reconstruction va prendre beaucoup plus de temps. Des constructions provisoires en matériaux plus durables que les baraquements en bois sont alors imaginées.

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Construction provisoire toujours debout à Pressiat

Caractéristiques des constructions provisoires

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La cité provisoire de Dortan

L’exemple le plus significatif dans l’Ain est Dortan où 175 bâtiments sont détruits, 473 Dortannais sinistrés. Au vu de l’importance des dégâts, il n’est pas question de les reloger provisoirement dans des baraques en bois. La solution adoptée est de construire toute une cité provisoire. Une soixantaine de logements sont construits ainsi que 16 commerces et 3 bâtiments administratifs. Ils possèdent tous une architecture « en bande » et ne comportent qu’un seul niveau. Seule la longueur peut évoluer en fonction du nombre de pièces à l’intérieur. Une baraque peut comprendre deux logements, dans ce cas il y a une entrée de part et d’autre.

Elles sont construites en parpaings, fabriqués directement sur le chantier grâce aux ressources sur place : la rivière Bienne et la carrière. Le soubassement est enduit de ciment jusqu’à hauteur des fenêtres pour éviter que l’eau ne s’infiltre. Le tout est protégé par de la tôle posée sur une charpente en bois. Cette toiture est progressivement remplacée par des tuiles mécaniques. L’isolation est sommaire et se résume à des plaques d’amiante au plafond.

À l’intérieur, les habitants disposent d’un évier en ciment, d’un poêle à bois dans la cuisine, de toilettes à l’intérieur, d’eau courante et d’électricité. À cette époque, ces trois derniers éléments sont considérés comme modernes car tous les foyers d’avant-guerre n’en étaient pas toujours équipés. En ce qui concerne le mobilier, les sinistrés ont pu compter sur de nombreux dons des villages voisins mais également du designer René Gabriel. En effet, en 1944, le MRU demande à ce spécialiste du meuble en série de créer une gamme de mobiliers d’urgence qui sera vendue aux sinistrés pour quelques tickets de rationnement seulement. Il conçoit quatre pièces essentielles : un buffet, une table, quatre chaises et une armoire. Ces « meubles de sinistrés » sont simples, sobres, modernes et robustes.


Le provisoire qui dure

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Vue du quartier provisoire de Pressiat

En 1946, toutes les baraques de la cité de Dortan sont habitées. La reconstruction de la ville en ruine s’étend jusqu’en 1956, date de dissolution de l’Association syndicale de reconstruction. Les sinistrés quittent peu à peu leur baraque provisoire pour rejoindre leur maison reconstruite. Mais certains habitants restent définitivement à la cité. Aujourd’hui encore, parmi les baraquements abandonnés, certaines sont toujours occupées.

Des baraques « provisoires » en matériaux qui durent, semblables à celles de Dortan, peuvent être observées dans d’autres communes de l’Ain. À Verjon, des maisons provisoires sont encore présentes rue du Dauphin et rue des Battières. Elles sont toutes habitées ou en cours de restauration. À Pressiat, c’est tout un quartier qui conserve ses baraques d’après-guerre. Ce quartier de la Ranche en contrebas du centre du village est construit immédiatement après les destructions nazies pour reloger les sinistrés du village totalement détruit. La quinzaine de maisons provisoires est toujours existante et habitée. Evidemment, elles sont, au fil du temps, modifiées pour les rendre plus confortables et agréables à vivre. Les habitants y installent une salle de bain et des toilettes, qui autrefois étaient à l’extérieur dans de petits cabanons communs, remplacent le sol, l’évier en ciment et la toiture en tôle, ainsi que les volets trop vieillissants.

Bien que modifiées, les caractéristiques architecturales communes à toutes les baraques sont encore visibles :

  • les cheminées toujours au même endroit, ras la façade,
  • un soubassement épais et enduit pour éviter les infiltrations d’eau,
  • le pilier rond du porche d’entrée, uniquement pour les maisons composées de quatre pièces, celles à cinq pièces sont plus longues et ne l’ont pas,
  • de petites ouvertures alignées.

Conçues pour durer 10 ans, ces maisons provisoires de la Reconstruction finissent par s’imposer dans le temps.



À lire sur le sujet

Des ruines au renouveau, le village de Dortan face aux épreuves de la Reconstruction (1944-1960), Parrad Mickaël, mémoire de deuxième année de master représentations et usages contemporains du passé de l’Université de Lyon 2, 2017