Restauration exceptionnelle du film du défilé du 11 novembre 1943

Le film emblématique et rarissime du défilé du 11 novembre 1943, présenté au Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Ain, a été restauré en 2022.
Découvrez les étapes de ce travail minutieux.

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Retour sur une restauration

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Fin juin 2021, la bobine 8 mm du film du défilé du 11 novembre 1943 des maquisards à Oyonnax a été confiée à la société parisienne Hiventy, spécialisée dans la restauration numérique de films.

Ce document rarissime fait partie intégrante de la collection du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Ain à Nantua.

Le 8 septembre 2022, la responsable du musée et la responsable du service scientifique de la Direction du patrimoine et des sites culturels se sont rendues sur place  pour visionner les images restaurées au stade de l’étalonnage du film. Le retour au film, vocabulaire plus approprié que le terme de restauration selon les experts qui sont intervenus, consiste à le rendre plus lisible par une légère stabilisation, suivie d’un filtrage pour enlever les poussières sur la pellicule et les dégâts du temps. Cette intervention, qui redonne davantage de netteté et de contraste aux images, permet de découvrir de nouveaux détails pour la première fois en 80 ans !

Grâce à ce travail de restauration numérique qui a nécessité des dizaines d’heure de travail, on peut désormais lire l’immatriculation des camions, distinguer les médailles sur les uniformes d’Henri Jaboulay et de Romans Petit, avoir davantage de détails sur quelques visages de participants au défilé et entrevoir les perforations de la bobine des Oyonnaxiens ayant suivi le cortège. 

Ce retour sur ce film  exceptionnel ouvre de nouvelles perspectives d’analyse notamment sur les secrets de son tournage.

Les bobines originales et restaurées sont conservées au Département dans un conditionnement réalisé spécialement par le service scientifique de la Direction du patrimoine.


Un film exceptionnel, symbole et stratégie du maquis

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Tourné en 1943 par Raymond Jaboulay dit « Marc » et redécouvert en 1969, ce film n'a jamais été transmis à Londres, comme cela était prévu initialement, contrairement aux 13 photographies prises de l’évènement. Néanmoins, il a été et reste un symbole fort.

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Le 11 novembre 1943, à Oyonnax, 200 maquisards environ défilent au grand jour pour commémorer l’armistice de 1918. Au pas cadencé et en bon ordre, ils font cortège vers le monument aux morts. En tête, couverts par des hommes armés, viennent les officiers : le chef départemental du maquis de l’Ain, Henri Petit, dit Romans et le chef régional maquis, Henri Jaboulay, dit Belleroche, portent tous deux leurs uniformes d’officiers aviateurs et leurs décorations de la Grande Guerre ; les deux adjoints de Belleroche, Lucien Bonnet et Charles Molher, défilent en tenue d’officiers d’état-major.

Leur apparition a été soigneusement préparée et la parade, longtemps répétée. Les hommes des deux files extérieures sont armés. Tous portent une tenue semblable et proche de l’uniforme militaire. Telle est l’image qu’ils laissent à la presse résistante qui rend compte de l’événement. La comparaison est d’ailleurs juste puisque ces effets, qui manquent cruellement au maquis, ont été pour l’occasion volés aux Chantiers de Jeunesse vichystes. 

Le contexte de la répression vichyste et allemande donne au défilé d’Oyonnax valeur de manifestation. En effet, l’Etat français a interdit de célébrer la victoire de 1918 sur l’Allemagne – interdiction réitérée à l’automne 1943 et incluant « toute manifestation publique et tout pavoisement, inopportuns actuellement ».

Refusant cette législation, le défilé, quoique calqué sur les commémorations traditionnelles, devient une manifestation d’opinion, patriotique, marquant l’opposition à l’occupant aussi bien qu’à Vichy. Il ne s’agit pas pour autant d’un événement isolé : pour toute la période de l’Occupation, plus de 750 manifestations ont été recensées en France – les 11 novembre et 14 juillet représentant des moments privilégiés de ces contestations. Dans les jours qui ont précédé le 11 novembre 1943, les organisations de Résistance et la BBC ont appelé à commémorer l’armistice. Pour la première fois, les cortèges sortent des grands centres urbains pour s’étendre aux petites villes, voire aux villages. Dans plusieurs localités, les maquis participent aux commémorations, sur le même mode militaire qu’à Oyonnax – notamment dans le Lot et l’Isère.

De toutes ces manifestations, c’est sans doute celle d’Oyonnax qui a le plus durablement marqué les esprits. Relayée par les tracts et la presse résistante, rapportée aux Français libres et aux Alliés, évoquée jusque sur les ondes de la BBC, elle devient immédiatement et jusqu’à aujourd’hui un symbole fort de la geste résistante. Le 11 novembre 1943, les maquis de l’Ain font la preuve de leur engagement. Ils montrent aussi leur capacité d’action, en donnant à voir une armée en marche. Cet aspect de l’événement invite à en faire une lecture non seulement en termes de risques encourus et de symboles mobilisés, mais aussi en termes de stratégie. La Résistance devait répondre à des logiques d’organisation et d’efficacité qui invitent à interroger la mise au point du défilé, les symboles qu’il mobilise, les objectifs qui lui sont fixés.


Extraits du catalogue d'exposition L'engagement résistant dans l'Ain, Conseil général de l'Ain, 2012 - page 96



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